Les ombres de l'altération 541 / 14497 mots
— Hé, y a quelqu’un ?
Lucas ouvre les yeux. Son corps est douleurs et courbatures. Il a froid et a l’impression d’avoir la tête comme un compteur à gaz. Autour de lui, les murs gris et aveugles de la petite pièce nue suintent d’humidité. Ils sont griffés de messages évocateurs, à l’image de ce « no pain, no gain » gravé en lettres hystériques. Lucas se redresse sur la banquette fixée au sol dont le matelas sent le moisi. Il reste immobile un instant pour savoir s’il n’est pas blessé ou contusionné. Quand tout lui paraît normal de ce côté-là, il se lève. En face de lui, le quatrième mur est composé de barreaux à la peinture écaillée et d’une grille restée ouverte. Il entend un râle à peine distinct en provenance du couloir et renouvelle son appel.
— Hé ho ? Il y a quelqu’un ?
— Lucas ? C’est toi ?
Il passe la tête par l’ouverture et découvre un couloir sombre bardé d’une suite de grilles. Il fait quelques pas qui soulèvent de la poussière au sol. De l’autre côté du mur de la pièce qu’il vient de quitter, il aperçoit une fille assise en tailleur sur la même banquette. Elle se tient la tête de ses deux mains, les coudes appuyés sur les genoux.
— Enora gay la bombe ? Ça alors !
— Fais chier, merde, soupire Enora. Ça ne pouvait être personne d’autre. Cette fois, c’est sûr, c’est un cauchemar.
— Tu sais ce qu’on fout là ? Je ne connais pas cet endroit. J’ai l’impression de sortir de garde à vue.
Enora lui lance un regard de travers avant de répondre.
— Pas la moindre idée. J’ai mal au crâne.
— Je suis certain de ne pas être venu ici par moi-même, réagit une troisième voix.
Théo sort d’une cellule voisine et rejoint les deux autres lycéens. Il se masse les tempes.
— C’est un peu flippant, si c’est une blague.
— C’est si ce n’est pas une blague que ça serait flippant, corrige Enora qui fouille dans son sac en bandoulière.
Elle en sort un petit miroir et s’observe attentivement.
— J’ai une tête de déterrée. C’est atroce.
— Nan, tu m’as l’air normale, lâche Lucas négligemment, en cherchant dans les poches de son perfecto. J’ai toujours mon tel… mais y a pas de réseau. On est dans le trou du cul du monde ou quoi ?
Théo vérifie à son tour et confirme la mauvaise nouvelle.
— Pareil pour moi. Je propose qu’on ne reste pas ici, et qu’on trouve la sortie.
Il inspecte le couloir sombre, uniquement éclairé par quelques veilleuses au plafond, indiquant les sorties de secours. Derrière lui, Lucas tend le bras en s’inclinant exagérément pour inciter Enora à passer devant lui.
— Dis donc, c’est la journée des surprises. Je ne pensais pas que tu aimais les tatouages et encore moins que tu en avais un. Et pas un petit en plus d’après ce que je vois, petite cachotière.
Enora se retourne étonnée et fixe Lucas d’un air méprisant.
— Tu as raison. Je n’aime pas et je ne compte pas déguiser ma peau. Eurk.
— Mouais, si tu veux, concède Lucas avec un haussement de sourcils. Enfin bon, pas la peine de mentir. On le voit.
— Mais qu’est-ce que tu racontes ?
Les ombres de l’altération | écrire à partir d’un scénario de JDR
« Les ombres de l’altération» est une nouvelle fantastique d’horreur disponible dans le recueil « Tourments »
Nouvelle de 49 pages
Recueil autopublié en 2024 et disponible sur Amazon
Résumé
Des adolescents se réveillent dans un monde parallèle au leur, peuplé de créatures horribles et agressives. Ils retrouvent la trace d’une amie à eux qui a été enlevée quelques jours plus tôt et partent à sa recherche pour la ramener dans la réalité.
Processus de création de « les ombres de l’altération »
L’idée de départ
Tout commence (comme souvent) par le Jeu De Rôle. Je cherchais un scénario d’horreur court à jouer sur une ou deux séances, une sorte de The Faculty avec des ados submergés par l’horreur, et je suis tombé sur un scénario de Anthony « Yno » Combrexelle (disponible librement sur internet) qui collait parfaitement à ce que je voulais. C’est un scénario qui prend place dans une sorte de Silent Hill du monde actuel. Pour plus d’immersion et d’amusement, je l’ai repositionné dans la ville où j’habite. J’ai fait jouer le début et pour différentes raisons, on ne l’a pas fini, mais j’ai trouvé cette partie assez sympa.
Les recherches
Les principales recherches concernaient un scénario à faire jouer puisque l’idée d’en écrire une nouvelle n’est venue qu’après. Ensuite, j’ai fait quelques recherches sur la représentation symbolique de Nyarlathotep. Il n’est jamais cité explicitement pour ne pas miser sur l’appropriation culturelle, mais peut-être que quelques fans le reconnaitront d’après sa description. Tout ce qui concerne les lieux n’a pas nécessité de recherche, puisque c’est chez moi. Pour les personnages, ce sont volontairement des stéréotypes pour coller à l’idée du film d’ados. Le seul point qui nécessitait des recherches précises était les armes utilisées par la police. Je me suis souvenu de ceux qui connaissent les armes par cœur à force de trainer sur les jeux de tir sur PC et consoles.
L’intention littéraire
J’aurais du mal à la définir. C’est une histoire d’horreur et d’aventure voulue uniquement dans un but de divertissement, sans sous-texte ni message particulier.
Ma crainte était que le lecteur fasse un rapprochement trop évident avec « le monde à l’envers » de Stranger things. Ce n’était pas évident de s’en éloigner tellement la série sert de fan service avec un tas de clichés.
C’est sans doute le texte le plus violent que j’ai écrit, hormis peut-être certains passages de mon roman « l’accident ».
Le scénario
Comme je le disais au début, c’est un scénario de JDR d’Anthony Combrexelle. J’en ai gardé la scène d’introduction, l’ossature et le twist final qui m’a plu. Le reste a été complètement remanié pour intégrer les lieux que j’avais choisis.
La scène de découverte des armes dans le commissariat est inspirée du film chute libre avec Mickaël Douglas (un film formidable dans sa montée en puissance, que je vous conseille absolument si vous ne l’avez pas vu).
Cette nouvelle a failli être plus longue, mais j’ai coupé quelques scènes qui ne me semblaient pas apporter grand-chose à la tension générale. Je ne voulais pas que le lecteur se lasse des épreuves subies par les personnages au risque d’en diminuer l’impact. En fait, elle aurait très bien pu se transformer en roman en multipliant les embuches et en complexifiant un peu l’arrivée et la lutte contre le méchant.
J’ai un peu peur que la fin soit trop abrupte entre le moment où ils quittent le monde parallèle et le moment où ils retrouvent le leur, puis quand on leur explique ce qui s’est passé.
Les personnages dans les ombres de l’altération
Les personnages principaux sont trois ados un peu caricaturaux. Ce sont des personnages de JDR qui répondent à des caractéristiques particulières réparties sur les 3 personnages pour coller à des besoins scénaristiques. En gros, des compétences répondent à des besoins d’utilisations lors des scènes qu’ils vont vivre. On a un bad boy qui se la joue un peu et qui a des compétences comme conduite et vol de voiture, mais qui est blessé et laisse le rôle du gros bras à l’intellectuel. Ce dernier connaît les rayons de la bibliothèque, mais apprend à se servir d’un fusil. La fille est (encore une fois chez moi) l’empathie, la réflexion et la raison.
Les méchants sont tirés de différents films que j’ai pu voir et le boss final est un « petit » Nyarlathotep qui peut être mis en échec par le signe des anciens. Ce qui évite un combat inutile contre une entité qui est vraiment hors de leur portée.
C’est plus fort que moi. Chaque fois que je pense « horreur », je pense à Lovecraft et à ses abominations.
Les lieux
C’est la deuxième nouvelle dans laquelle j’utilise mon environnement proche. Je trouve ça très amusant. Beaucoup plus que de créer un univers complet avec le risque qu’il ne s’adresse à personne en particulier. Et puis quand quelques exemplaires se retrouveront dans des boites à livres autour de chez moi, peut-être que cela fera sourire le lecteur ou la lectrice.
Le titre
Je ne le trouve vraiment pas satisfaisant. Malgré tout, c’est le moins pire et le plus évocateur de ceux auxquels j’ai pensé.
« École Buissonnière » faisait trop livre pour enfant. Il était vraiment éloigné du contenu.
« L’Échappée Parallèle » ne m’inspirait pas du tout. En plus, échapper indique un mouvement volontaire des personnages, qui sont ici projetés contre leur gré (au départ).
« Le Voile des Mondes Parallèles » était mon second choix. J’aimais bien cette idée du voile qui devient poreux entre les deux mondes.
« Les Ténèbres de l’Autre Monde ». J’ai écarté aussi celui-là, mais je ne saurais pas bien dire pourquoi. Une question de feeling. Peut-être que « ténèbres » faisait un peu trop cliché.
Le mot de la fin
J’espère que vous aimerez cette nouvelle autant que j’ai aimé l’écrire. Et si cela vous a donné envie de faire jouer ce scénario, passez me dire comment ça a tourné.