Le cauchemar d'Innsmouth, H.P. Lovecraft
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Le cauchemar d’Innsmouth est une nouvelle d’horreur de H.P. Lovecraft
Écrite en 1931 et publié en 1936
Édité par Robert Laffont
Dépôt légal octobre 2000
55 pages
Résumé du cauchemar d’Innsmouth
De retour de son voyage à Innsmouth, un voyageur prévient les autorités qui mènent une opération d’envergure pour nettoyer la région. Il raconte son histoire.
Pour fêter sa majorité, il effectuait un voyage à Arkham pour y découvrir l’architecture renommée du lieu. Faute de moyen pour se payer le billet de train direct, il prit le bus, même si on le mit en garde sur cette option risquée de par son itinéraire. Le chauffeur de bus souffrait des malformations typiques des gens d’Innsmouth décrites par le guichetier. Arrivé là-bas, le bus tomba en panne. Le voyageur dut réserver une chambre à l’hôtel Gilman. Il commença à visiter les lieux et fit connaissance avec les gens du coin.
Mon analyse de
Le scénario
Superbe exemple de « comment tuer le suspense dans les premières lignes ». La nouvelle débute par le narrateur qui raconte la fin de son histoire : il a prévenu les autorités. Elles ont brûlé Innsmouth. Merci au revoir.
À partir de là, tout ce qui lui arrive perd de sa puissance puisqu’on sait qu’il est revenu pour le raconter. Alors oui, les habitants d’Innsmouth ne sont pas très orthodoxes. Oui, ils ont des mœurs étranges, mais on n’en voit rien. Ajoutez à cela un personnage qui met en garde le narrateur sur les gens différents et repoussants qui habitent là-bas et on se retrouve dans le cas d’un racisme ordinaire qui est l’occasion de faire courir un tas de bruits sur une population bien étrange, mais contre laquelle on n’a finalement rien de vraiment tangible.
Des gens disparaissent ? C’est la faute des gens d’Innsmouth. Y a plus de poissons à pêcher ? C’est la faute des gens d’Innsmouth. Les habitants s’enrichissent sans explication ? Les gens d’Innsmouth ont fait un pacte avec le diable, ou peut-être même pire.
Bien sûr, j’exagère. Les habitants d’Innsmouth paient leur adoration envers des puissances impies et ils essaient de capturer l’étranger imprudent qui s’aventure sur leur territoire. Ils font des messes vraiment étranges, mais j’ai quand même eu du mal à m’inquiéter pour ce voyageur.
Malgré tout, la montée de la tension est bien présente et pour être plus objectif, elle est même très présente, avec énormément de descriptions, autant des lieux que des impressions ressenties par le personnage. On partage son dégoût pour tout ce qu’il voit. On sent la petite ville d’Innsmouth le prendre au piège. La plus grande surprise vient du fait que pour une fois, le dénouement ne vient pas de savoir si le personnage principal finit mort ou fou ou les deux. La vraie surprise est créée par le rebondissement final.
Bizarrement, avec le temps ce qui reste de cette histoire est la rencontre entre le voyageur et Innsmouth. La chute de la nouvelle, pourtant très efficace lors de la lecture, n’est pas ce qui me reste dans l’impression générale.
Les personnages
Sans trop pouvoir l’expliquer, j’ai bien aimé le personnage principal. Ce n’est pas quelqu’un qui va au-devant des ennuis. Bien au contraire. C’est un égaré qui fait tout ce qu’il peut pour s’en sortir et les risques qu’il prend sont mesurés en fonction de ce qu’il risque à rester passif.
La moindre vision de l’anormal et de l’incompréhensible le révulse et à aucun moment, il n’a de penchant pour le monde auquel il est confronté.
Le style du texte
Pour une fois, il est composé de nombreux dialogues. Principalement de longs monologues entre coupés d’incitations de l’interlocuteur qui écoute l’histoire d’un vieil alcoolique. Elle est tellement surprenante qu’on se demande si ce ne sont que les allégations d’un homme qui a perdu la tête ou si c’est sa folle histoire qui lui a fait perdre la tête.
Est-ce que je vous conseille le cauchemar d’Innsmouth
Tout à fait. C’est une nouvelle dans laquelle beaucoup d’éléments de ce qu’on nomme « le mythe de Cthulhu sont présents et c’est une bonne nouvelle d’horreur si on fait part de cette introduction qui évente un peu l’effet de suspense.
Le cauchemar d'Innsmouth, Gou Tanabe
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Manga de Gou Tanabe d’après la nouvelle de H.P. Lovecraft
Édité par Ki-oon
2 tomes
Dépôt légal mars 2022
Mon analyse du cauchemar d’Innsmouth en manga
Gou tanabe se permet des modifications du personnage qui trahissent la subtilité de l’œuvre originale.
Le scénario
Au début, le voyageur dit qu’il nous raconte son histoire. Le récit original mentionne uniquement qu’il le fait en partie pour « reprendre confiance en mes propres facultés, en prouvant que je n’ai pas été simplement la première victime d’une hallucination contagieuse et cauchemardesque ». Pourquoi le dessinateur le représente immédiatement avec le pistolet sur la tempe quand il se livre à ce récit ? Côté subtilité, on a vu mieux.
Au moment où le voyageur découvre les objets aux motifs hideux, il est pris d’un profond dégoût dans l’œuvre originale. Dans celle du dessinateur, il sourit simplement. Que veut dire ce sourire sinon encore une fois indiquer l’inclination intérieure du personnage et trahir dès le début de l’histoire un suspense parfaitement mené chez Lovecraft ?
Quand il arrive en bus à Innsmouth, il découvre au loin les rochers noirs émergeant de la mer ; ceux dont on lui a raconté la sombre réputation. Encore une fois, dans l’original, le personnage ressent de la répugnance pour le lieu : « l’impression d’une étrange malignité latente » ou « la menace repoussante ». Pourquoi chez Gou Tanabe, ressent-il de l’attirance ? Pourquoi cette nouvelle trahison de l’état d’esprit du personnage et autant de courts-circuits dans la progression de sa psychologie ?
Pourquoi intégrer en pages 86 et 87 ces dessins de créatures qui sont encore inconnues à ce stade du récit ?
Les personnages
Hormis le traitement comportemental du personnage principal dont je viens de parler, je dois dire que cette fois, le texte est parfaitement adapté au dessin. Les personnages aux yeux globuleux de poissons vont très bien aux traits de Gou Tanabe dont les personnages ont souvent cet aspect lisse et peu expressif.
Les lieux
Ils sont magnifiques, finement détaillés et d’une profonde noirceur. Je vais faire un parallèle avec le jeu vidéo « Sinking City » qui est complètement inspiré de cette nouvelle. J’ai arpenté les rues de ce jeu pendant pas mal d’heures et j’ai retrouvé exactement la même atmosphère sombre dans les gravures de Gou Tanabe. Certaines doubles pages mériteraient sans problème un affichage en plus grande dimension. Je me demande s’il existe des planches poster.
Est-ce que je vous conseille
Évidemment ! Tout d’abord, il est impératif de compléter votre collection avec ces volumes si ce n’est pas déjà fait. Ensuite, parce que c’est un des récits les plus imprégnés par ce qui a été nommé « le mythe de Cthulhu ». Malgré cela, je ne considère pas ces livres comme une adaptation fidèle des écrits de Lovecraft dont l’intention et le traitement ont été remaniés de manière beaucoup moins subtile.