Kon-Tiki - Thor Heyerdahl - 4e
3 étoiles

Le Kon-Tiki parcourt l’histoire sur les vagues du Pacifique du Pérou à la Polynésie

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Kon-Tiki est à la fois un récit de vie, un récit d’aventures, mais aussi un récit historique.
écrit par son instigateur, Thor Heyerdahl.
Édité par Albin Michel
Dépôt légal premier trimestre 1978
429 pages

Résumé de Kon-Tiki

En 1947, l’anthropologue Thor Heyerdahl rassemble une équipe pour prouver sa théorie de peuplement de la Polynésie à partir du Pérou, il y a 1500 ans, par des hommes navigants sur des radeaux. La traversée prévue en 97 jours est longue et dangereuse, mais pleine de magnifiques découvertes.

Origine de l’expédition

À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’origine du peuplement de la Polynésie fait débat. Différentes théories s’affrontent et Thor Heyerdahl, anthropologue, a la sienne. Il écrit un livre sur la possibilité d’une population venue du Pérou, mais son livre n’a aucune portée. Pire, certains lui disent que sa théorie est fantasque et hautement improbable. J’ai particulièrement aimé la réponse que lui fait un éminent chercheur sur cette question, à propos des refus qu’il a essuyés : « … ce sont des spécialistes… Ils se limitent à leur propre domaine pour pouvoir creuser davantage, se concentrer sur les détails. La science actuelle exige que chaque branche spéciale pioche dans son propre trou. On n’est pas habitué à voir quelqu’un grouper ce qui sort des trous pour en faire un ensemble. » Mes yeux se sont écarquillés en lisant ses mots et croyant lire l’incipit de « L’appel de Cthulhu ».

Thor Heyerdahl décide de prouver sa théorie par l’expérience et entreprend de monter une expédition dans les conditions de l’époque. C’est-à-dire tenter une traversée du Pacifique à bord d’un radeau de balsa. L’équipage ne devra pas posséder de connaissance de navigation et ils emporteront le minimum de technologie, uniquement pour leur sécurité.

Aujourd’hui, la question du peuplement de la Polynésie semble tranchée grâce à la convergence de différentes sciences et à la génétique. Je vous laisse avec le site pacifique à la carte pour en apprendre plus.

Les préparatifs

En 1947, aucune voie commerciale n’existe sur l’itinéraire prévu pour traverser le Pacifique. La Marine n’a qu’une idée sommaire des courants et des vents qui les porteront. Pour ces raisons, différents « sponsors » sont intéressés par leur entreprise et leur fournissent gratuitement du matériel. Il reçoivent une radio, un canot de sauvetage, des sacs de couchage imperméables, des réchauds ou des couteaux flottant, en échange d’un retour sur leur utilisation. Le canot de sauvetage ne sera utilisé que pour prendre des photos du radeau en plan large. L’assemblage de celui-ci est réalisé dans un port militaire du Pérou après avoir acheminé les troncs de balsa par voie d’eau depuis les forêts du pays des réducteurs de têtes et des serpents. Ils sont ensuite liés par de la corde fabriquée pour l’occasion.

Kon-Tiki - Thor Heyerdahl - image 1

Lors de l’inspection d’avant départ, tous leurs espoirs sont ruinés par les experts en visite. Balsa trop poreux, il coulera. Cordage trop lâche, il cédera. Voile trop petite, inutile à la navigation. Courants incertains, s’ils flottent et si l’eau de mer et le soleil ne les brulent pas, il leur faudra 2 ans pour traverser. Ils signent une décharge pour la marine nationale indiquant qu’elle n’est pas responsable de cette embarcation et une autre pour le maitre du port, indiquant qu’ils prennent la mer contre sa volonté.

On leur confit une bible et ils rédigent leur testament. Quoi de mieux pour se mettre du baume au cœur avant le départ ?

Les membres de l’équipage

Comme pour le périple du Taï-Ki, on peut se demander quelles sortes de personnes sont assez folles pour se porter volontaires. La réponse tient dans un recadrage historique : la 2e guerre mondiale vient de se terminer et certains ont vu bien pire.

Hermann Watzinger, ingénieur chargé des relevés hydrographiques et météorologiques (vitesse, direction des vents et des courants).

Erik Hesselberg, peintre, guitariste, chargé des relevés de navigation et de reporter leur trajet sur une carte.

Knut Haugland, parachutiste, saboteur, a réussi à échapper à la Gestapo, était responsable d’un réseau de communication en Norvège occupée, est responsable de la radio.

Torstein Raaby, résistant qui communiquait des renseignements sur les positions nazies en se branchant de nuit sur leurs propres antennes relais, est le second radio.

Bengt Danielsson, ethnologue et sociologue qui étudie les Indiens des montagnes péruviennes, est intéressé par la théorie de migration et s’engage dans l’aventure.

Mon avis sur le récit du Kon-Tiki

L’incipit vous plonge directement dans l’ambiance du livre. « Il arrive parfois qu’on se retrouve dans une situation bizarre. On y a été entrainé peu à peu, le plus naturellement du monde, mais une fois qu’on y est bien plongé, on s’étonne soudain, et la question se pose de savoir comment diable les choses en sont venues là. »
Ce premier paragraphe promet une aventure dans laquelle les protagonistes se jettent à l’improviste, et il tient ses promesses.

Naissance, vie et mort du Kon-Tiki

Si la partie préparatoire (110 premières pages) est passionnante, le voyage en lui-même l’est beaucoup moins que celui du Taï-Ki. Les pages se succèdent et se ressemblent beaucoup : pêche, messages radio, navigation. Seuls les passages près des côtes, au départ et à l’arrivée, posent de véritables problèmes de tempêtes.

Kon-Tiki - Thor Heyerdahl - image 2

L’absence de préoccupations écologiques

J’ai été fortement interpelé par cet aspect du récit et je m’en suis voulu d’avoir ce regard complètement décalé sur ce récit, mais il met une chose en évidence : le fossé qui s’est creusé en 80 ans.
Sur le Kon-Tiki, les explorateurs jettent les piles de la radio et les sacs en caoutchouc, par-dessus bord de manière tout à fait naturelle. Ça gêne ? Faisons-le disparaître dans la mer, elle s’en occupera… Bien sûr que ce n’est pas grave, c’est uniquement des types perdus sur un radeau. Sauf qu’aujourd’hui, on sait où cela nous a conduits.

Le deuxième point qui m’a dérangé est la chasse aux requins. Alors oui, ils sont 6 sur à peine vingt mètres carrés et ils ont du temps à tuer. Donc sans la moindre évocation des conséquences de ce geste, ils tuent des requins, parfois uniquement parce que l’un a été un peu trop curieux et s’est intéressé d’un peu trop près à cette étrange chose qui flottait sur son océan.