4 étoiles

La dimension fantastique 1

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La dimension fantastique 1, Recueil collectif de nouvelles
143 pages
Edité chez Flammarion, Publié par Librio
Dépôt légal 1996

Introduction

La dimension fantastique 1 débute par une introduction de 5 pages très intéressante. Barbara Sadoul y retrace l’historique de la littérature fantastique.

Résumés des nouvelles de « la dimension fantastique 1 »

​L’homme au sable, E.T.A. Hoffmann
Pardonnez mon inculture, mais je ne connaissais d’Hoffmann que « les contes » sans avoir une franche idée de ce que ce titre couvrait. Et je suis ravi d’y avoir goûté. « L’homme au sable », publié en 1817 dans « le recueil des contes nocturnes » touche à la folie, au romantisme et aborde déjà une certaine forme de transhumanisme. Le style d’écriture qui correspond à l’époque paraît dans certains paragraphes, un peu emprunté, mais on s’en accommode facilement. D’autant que le décalage historique s’arrête ici. Il aurait pu être beaucoup plus présent dans une mise en contexte apparaissant décalé en 2022. Comme il se doit dans une nouvelle, la fin tombe à pic dans l’avant-dernier paragraphe, le dernier faisant office d’épilogue pour un des personnages dont l’arc narratif n’était pas fermé. Pas de fin ouverte, donc. Et c’est tant mieux, l’histoire est totalement bouclée à la dernière ligne.

​La cafetière, Théophile Gautier
Cette nouvelle fait environ 2700 mots. Elle met en scène assez peu de personnages et comporte, malgré sa taille, une foule de détail sur la rencontre entre les personnages et le ressenti du personnage principal. Elle est bien emmenée mais l’aspect « fantastique » est mélangé au domaine des rêves. Comprenez que ce n’est pas une critique mais disons que c’est bien pratique pour une nouvelle courte quand on n’a pas envie de s’étendre et de prendre le prétexte du réveil pour tout effacer sauf un détail qui a transité du monde des rêves au monde réel pour porter la dimension fantastique. Ça marche mais ce n’est pas fou comme effet. Je ne crois pas que ce texte me laissera un souvenir inaltérable.

​Le portrait ovale, Edgar Allan Poe
Celle-ci fait environ 1300 mots. On est dans la nouvelle très courte. Un seul personnage. Un homme contemple le magnifique portrait d’une jeune femme qui est une pure représentation de la vie. Il perçoit (ou imagine) à travers l’œuvre le travail de l’artiste et la complicité avec son modèle. Par contre, en si peu, on s’affranchit d’une trame scénaristique et de rebondissement ou de la moindre aventure. On a en gros 200 mots d’introduction, 1000 mots pour la description du tableau et 100 mots pour la chute qui est pourtant savoureuse.

​Le monstre vert, Gérard de Nerval
Celle-ci est assez étrange. Désolé, je ne sais pas comment la qualifier autrement. Elle part d’abord sur une explication de l’expression « au diable vauvert » puis fait référence à « jean de la lune », pour ensuite se concentrer sur une histoire de château hanté. Il s’y fait entendre des bruits suspects et personne ne veut aller vérifier sauf un homme auquel on promet une rente pour sa femme en cas de décès. Il en rapportera un trophée et une malédiction. Elle ne m’a pas beaucoup inspiré. Ça tient principalement au fait que le texte paraît vieillot dans son écriture. Beaucoup de termes et d’expressions employés n’ont plus cours et donnent une résonance poussiéreuse au texte. De plus, il termine avec la forme d’une poésie avec une morale en une ligne et une conclusion de l’histoire en une phrase. Ça a le mérite d’être original, mais c’est un peu vite expédié.

​La montre du doyen, Erckmann-Chatrian
Voilà une nouvelle beaucoup plus élaborée. Pour cause, elle comporte un peu plus de vingt pages, soit en gros 8000 mots dans mon édition. Forcément, ça se ressent sur la construction, le nombre de personnages et les rebondissements de l’histoire. On est dans une intrigue policière moyenâgeuse. Des bardes arrivent en ville pour y faire un peu d’argent. Ils se trouvent accusés des meurtres de différentes personnes, à la place d’un tueur en série qui sévit depuis quelques semaines. L’un des bardes échappe à la police et s’efforcera de confondre le coupable pour innocenter ses amis.

​L’homme à la cervelle d’or, Alphonse Daudet
Certainement pas son meilleur texte. C’est une métaphore du travail des artistes qui vendent un peu de leurs cerveaux à chaque création, parce qu’ils ne disposent que de cela pour leur assurer tout juste de quoi subvenir à leurs besoins. L’homme à la cervelle d’or de la courte nouvelle a en plus une femme exagérément dispendieuse qui sera en partie responsable de sa perte. Bref, la vie est trop injuste pour alphonse-caliméro.

​L’orgue du Titan, George Sand
Ha ! les ravages de l’alcool. Un organistse, porté sur la boisson, part (à pied) visiter son frère habitant la montagne. Il emmène un élève pour l’assister. Le repas est plus qu’arrosé et le retour est un voyage halluciné qui mène bien sûr à un accident. Il est difficile d’en parler plus sans en dire trop, mais là encore le fantastique n’est qu’imaginé dans les délires alcooliques d’un musicien. Tout rentre dans l’ordre avec le retour à la sobriété. Ce qui est particulier ici c’est qu’on peut se dire à la fin que la sobriété paraît vraiment morne face à la fantaisie de l’état imbibé. C’est peut-être une interprétation personnelle…

​Véra, Auguste Villiers de L’Isle-Adam
En parlant d’incipit, ce qui est sûr c’est que ce n’est pas le point fort de ce texte qui commence par une description qui a du mal à accrocher le lecteur. Le thème principal est la mort et la résilience d’un veuf qui continue à aimer sa compagne disparue et à imaginer ses manifestations physiques. Le fantastique tient uniquement au fantasme du veuf qui s’approche de la folie par le déni de la mort.

​La chevelure, Guy de Maupassant
Jeune, je n’aimais pas Maupassant. Je crois que c’était un réflexe induit par une assimilation à des textes classiques et obligatoires à l’école. Quelle erreur ! Adulte, chaque fois que j’ai lu du Maupassant, j’ai été fasciné. Et cette fois encore, le ton fétichiste, envoûtant et un peu transgressif de cette nouvelle est à la hauteur. Un paragraphe sur l’adoration de la chevelure est particulièrement magnifique avec tout ce que cela comporte de glauque.

​Je suis d’ailleurs, H.P. Lovecraft
Même noyé dans un recueil comme celui-ci, le style est tout à fait reconnaissable. Il vous plonge dans la noirceur du début à la fin des 2800 mots. Une personne semble s’éveiller dans un endroit abandonné et pourtant familier depuis très longtemps. De son isoloir, elle voit une tour se dresser au loin et décide de la gravir. Après une ascension étrange, elle rencontre des gens surpris de la voir. Ma surprise à moi, dans ce texte, vient du thème abordé par Lovecraft. Je ne connaissais pas cette nouvelle et je ne m’attendais pas à ce que cela fasse partie de son répertoire.

​La choucroute, Jean Ray
Que dire d’une nouvelle au titre aussi improbable ? Déjà qu’elle souffre de son positionnement après « je suis d’ailleurs ». Ici, on a un homme amateur de choucroute qui partage ce point commun avec un de ces amis. Cet ami lui prête sa carte de train pour qu’il voyage un jour de détente. Pendant le voyage, il rencontre un homme également amateur de choucroute. Quand notre voyageur décide de descendre au hasard de sa promenade, l’autre le presse de rester dans le train. Le voyageur se retrouve dans un décor fictif et inquiétant entre rêve et réalité d’où il rapportera un cadeau et une damnation. Le jeu valait-il la chandelle ?
Il y a une leçon intéressante sur l’inspiration dans cette nouvelle. Certains attendent l’idée géniale pour écrire alors qu’on peut très bien faire une bonne histoire d’horreur avec une choucroute et « un peu » de talent.

​Le meneur de loups, Claude Seignole
Chose inhabituelle pour une nouvelle courte (environ 2200 mots), il y a pas mal de dialogue et l’on respire dans le texte. Par contre, il est presque entièrement écrit avec un accent campagnard de 1947 et cela ne rend pas l’expérience très facile. L’histoire d’un « berger de loup » est agréable. Elle se rapproche du conte et l’on peut même en tirer une morale du type « ne pas se fier aux apparences » ou « ne pas avoir une peur irraisonnée des différences ou des étrangers ».

​Escamotage, Richard Matheson
Sans aucun doute, pour moi, la meilleure nouvelle de ce recueil. Tout ici est parfait, le scénario, sa structure, les personnages. De bout en bout, cette nouvelle d’environ 5000 mots et écrite en 1953 est un exemple à suivre. Pourtant, sa présentation sous forme d’agenda n’est pas habituelle. Une courte introduction indique que les lignes qui suivent sont une reproduction du contenu d’un cahier trouvé sur la table inoccupée d’un drugstore à côté d’une tasse de café. Le reste de la nouvelle est écrit comme un cahier intime suivant la progression du temps. Le contenu est le récit d’un homme dont la vie s’effrite. C’est tout à fait le genre de nouvelle dont je suis jaloux et que j’aurais aimé écrire. Pire que ça, dans les premières pages, elle est quasiment autobiographique. On y voit un homme sans rien d’extraordinaire avec une vie banale (hormis qu’il trompe sa femme) qui se lance dans une « carrière » d’écrivain mais qui n’arrive à rien et subit les railleries décourageantes. Sa vie bascule petit à petit et son esprit frôle les bordures de la folie jusqu’à la chute. Et quelle chute ! Sans doute une des plus fameuses que j’ai lue. D’une sorte qu’on ne comprend pas immédiatement, qui nous laisse avec la bouche ouverte en croyant s’être fait arnaquer jusqu’au déclic ou tout se rassemble et là… whao… tellement bien fait.
J’avais déjà Richard Matheson dans ma liste de livres à lire, mais je vais le faire passer en tête de liste assez vite.

Que retenir du recueil de nouvelles « La dimension fantastique 1 » ?

C’est vivant et agréable à lire, on passe d’une histoire à l’autre facilement. Certaines sont très courtes d’autres un peu plus longues, il y en a pour tous les gouts.
On découvre ou redécouvre des auteurs connus à travers une sélection de morceaux qui sonnent à l’unisson dans le fantastique.

La nouvelle est vraiment un style très intéressant. Je me demande pourquoi il est autant boudé en France.