Les chiens de Tindalos est un pilier du mythe de Cthulhu
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Nouvelle de Frank Belknap long publiée en 1929
Résumé
Chalmers, un écrivain occultiste veut ouvrir les portes du temps grâce à ses connaissances et à une nouvelle drogue inconnue en occident. Il est persuadé que le temps n’est qu’une illusion et que tout existe à tout instant. Chaque instant serait donc accessible à celui qui serait capable de voyager à travers les dimensions. Il prend un de ses amis à témoin pour le ramener à la réalité pendant son trip, au cas où les choses tourneraient mal. Son expérience dépasse ses attentes, mais il est détecté, puis traqué par les chiens de Tindalos.
Les drogues en 1929
L’usage de drogues n’est pas anecdotique à cette époque. On a tendance à croire que c’est un fléau de notre époque qui a commencé à s’étendre à la fin du vingtième siècle, mais c’est une erreur.
Au début du siècle, la morphine, la cocaïne et l’éther faisaient partie de l’éventail des produits pharmaceutiques et Coca-Cola apparaît sur le marché en proposant une boisson énergisante.
L’alcool était largement distribué pendant la Première Guerre mondiale pour aider les poilus à tenir le coup, si on peut dire ça comme ça. À leur retour les gueules cassées sont « traitées » avec ces mêmes produits. Je vous conseille vraiment la lecture de « au revoir là-haut » qui, en plus d’être un livre magnifique, vous en apprendra sans doute un peu sur cet état de fait. J’en ai fait une critique ici.
Pendant les années folles, le spiritisme était un passe-temps relativement commun dans les cercles oisifs. On faisait tourner les tables et on communiquait avec les esprits par l’entremise de certaines substances.
Le fait que Chalmers soit versé à la fois dans l’occultisme et la drogue fait de lui un personnage singulier, mais pas du tout un fantasme fantastique.
L’aspect philosophique
D’après Chalmers (mais pas seulement) « Les drogues amplifient la conscience humaine » et ouvrent les portes du temps. Elles libèrent l’esprit qui s’affranchit des limites de notre monde en trois dimensions pour s’ouvrir sur ce que la conscience éveillée ne peut entrevoir.
Dans les chiens de Tindalos, Chalmers est imprégné du Tao, une philosophie qui livre une conception du monde unifié originel. Il connaît le hashish et l’opium, mais il a découvert une drogue venue d’Asie qui permet de remonter dans le temps grâce à des voyages. On pourrait presque qualifier Chalmers de beatnik avant l’heure.
L’aspect scientifique
Le passé, le présent et le futur n’existent pas. Cette conception implique qu’il y a un seul passé avec un seul enchainement des évènements qui produisent un seul futur, donc que tout est écrit. Dans ce cas, l’homme n’est non seulement pas maitre de son destin, mais il ne peut rien entreprendre pour changer sa condition. C’est une ouverture sur des dérives effroyables et une dépression assurée.
Disons plutôt que le temps n’est pas une ligne droite et qu’il comporte des embranchements. Chaque choix crée un nouvel embranchement de l’univers. Il existerait ainsi une infinité d’univers parallèles dans lesquels le passé, le présent et le futur coexistent et sont accessibles à partir de n’importe quel point de l’espace-temps pour celui qui sait arpenter les différentes dimensions. Cette théorie est un peu plus que du fantastique pur. Elle rejoint des études scientifiques formelles que vous pourrez trouver ici et que Franck Long avait anticipées il y a presque un siècle.
Les chiens de Tindalos dans le mythe de Cthulhu
Franck Long fait partie des auteurs qui étaient en contact avec Lovecraft de son vivant et qui écrivaient dans des styles proches. Je suis toujours fasciné de voir les mélanges qu’il y a eu entre ces différents auteurs et le fait qu’ils se soient inspirés les uns des autres.
Pour ma part, mes premières connexions avec le mythe de Cthulhu se sont faites avec le JDR « l’appel de Cthulhu ». Les chiens de Tindalos sont des créatures que je connais depuis des (dizaines d’) années. Pourtant, ma découverte des origines de certains piliers du mythe n’a commencé que relativement récemment et c’est avec une grande joie que je rattrape ce retard.
Mon avis sur les chiens de Tindalos
Pour moi, ils sont une pierre importante du mythe de Cthulhu et aussi craints que les grands anciens. Mais je ne suis pas objectif. J’ai été imprégné de leur présence depuis les années 80 et le panthéon imaginé par August Derleth qui rassemble à peu près toutes les créatures du mythe. Nous plaisantions souvent, avec une légère appréhension, sur les coins des plafonds.
La nouvelle est très bien écrite. Elle rentre très vite dans le vif du sujet avec un protagoniste enfiévré. Par la suite, la tension et l’horreur montent graduellement. En lisant cette nouvelle, on ne peut pas s’empêcher de comparer le style de Franck Long à celui de H.P. Lovecraft. Ceux qui viennent pour la première fois ne le savent pas, mais je suis un fan de tout ce que ce dernier a construit, un peu moins de son style littéraire. Les chiens de Tindalos confirment cet avis. Je trouve l’écriture de Franck Long beaucoup plus fluide et moins rébarbative que celle de Lovecraft. Les nombreuses descriptions de l’indescriptible chères à Lovecraft laissent ici place à de nombreux dialogues.
Les chiens de Tindalos contient tous les composants d’une bonne nouvelle d’horreur et c’est une très bonne porte d’entrée dans le mythe de Cthulhu. On a un occultiste dont la santé mentale est déjà branlante au début du récit et qui fait un pas de trop vers le précipice. On a des créatures surnaturelles qui le prennent en chasse dans les méandres de l’univers. Le point spécifique qui relit cette nouvelle au mythe est la petitesse de l’homme face aux choses cachées du monde qui devraient le rester. L’homme est incapable d’embrasser la totalité de l’univers de son regard et encore plus incapable d’en comprendre les codes et le fonctionnement.