

Ravage, la science-fiction dans les années quarante
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Ravage est présenté comme un roman de science-fiction
écrit et publié en 1943
301 pages
Résumé de
L’humanité vit dans l’opulence. Les états d’Europe sont unifiés. Paris est pleine de gratte-ciels, les voitures volent. La création de nourriture n’est plus un problème. Pourtant l’humanité n’a jamais été aussi dépendante. Une panne d’électricité survient et la plonge dans l’antiquité. L’humain devient animal et tente de survivre et de recréer la civilisation.
Mon analyse de Ravage
Un long guide touristique du monde en 2052 vu par un humain de 1943. Voitures volantes et robots, tout est là. Pour moi, ravage tient plus du road movie que de la science-fiction.
En effet, la science-fiction n’est présente que comme décor de fond. Toute l’histoire tourne autour des survivants de l’apocalypse qui fuient les villes pour retourner vers les campagnes.
Le scénario
La Deuxième Guerre est présente dans cette histoire. Au début du roman, le brésil tire des ogives sur d’autres pays. On ne connaît pas trop le contexte de cette déclaration de guerre et on n’en saura pas plus.
Peu de temps après, la France subit une coupure d’électricité. Aucun indice ne permet de relier les deux évènements. Paris, d’où viennent les protagonistes, est plongée dans le chaos. Des hordes de pillards volent et tuent. Comme si cela ne suffisait pas, des incendies se déclarent et une violente tempête les propage sur tout le territoire. Un groupe décide de fuir vers la campagne pour échapper à la mort.
Les personnages
Ils sentent la naphtaline. Au début du livre, les femmes qui cherchent à s’émanciper sont carrément mal vues. Les hommes sont dominateurs et violents. Une fois que la civilisation tombe, ces tendances s’accentuent. La moindre contestation est réprimée dans le sang. Il faut marcher et suivre le chef ou mourir.
Pris de manière indépendante, ils sont très peu intéressants. L’organisation du groupe l’est beaucoup plus. C’est le seul livre de Barjavel que je lis, mais il serait facile d’en tirer des conclusions hasardeuses sur l’auteur.
L’érotisation malsaine de l’adolescence
Une question n’arrêtait pas de tourner en rond dans mon esprit à la lecture de ravage : Barjavel est-il toujours au programme de l’éducation nationale ?
« Une porte s’ouvrit. Une jeune fille entra. Le printemps entrait avec elle… »
« Elle était blonde, rose et dorée comme une enfant qui a trop longtemps joué au soleil. Ses grands yeux bleus brillaient de joie. Ses cheveux nattés et roulés la couronnaient d’or. »
« La voix de la jeune fille était lumineuse et chaude comme cette joie qu’elle exprimait. Seita en subit le charme. »
« Des épaules nues, des bras ronds de l’adolescente montaient une lumière et un parfum de moisson. Dans leur nid de dentelles, ses deux seins semblaient deux pigeons blottis. »
« Il eut une envie terrible de prendre dans ses deux mains sa taille fine. »
Elle finit par succomber aux charmes de la situation qu’il peut lui apporter et il l’épouse…
Les lieux
C’est sur ce point qu’on retrouve l’effet guide touristique et le syndrome de la liste. Tout est hyper décrit.
« Tous les meubles du salon, les grands fauteuils, la bibliothèque, la table de jeux, le divan, la table basse qui supportait les cigarettes et les fleurs, les cadres des tableaux avaient été taillés dans un plastec brun pâle… »
« Les parfums du chypre, du santal, de la lavande, de l’œillet, du melon, du jasmin, de l’encens, des pêches mûres, de la rose, de la banane, du lilas, de la scierie, du lis, du muguet, du boulanger, de la violette, de la mer, de l’arum, du cuir se succédaient, brefs, violents ou discrets sans jamais se mêler. »
Les très bons passages sur la création de nourriture servent l’histoire et donnent du contexte, mais la plupart du temps, les nombreuses descriptions ne sont pas intégrées à l’histoire et servent uniquement à poser la vision pessimiste et rétrograde que l’auteur se fait du futur. Le ministre de la Guerre qui agite sa cravache et peste contre l’ennemi héréditaire de la France est complètement grotesque.
Ravage est un road movie postapocalyptique
Comme je vous le disais plus haut, la science-fiction dans ravage n’est qu’une toile de fond pour parler des hommes à travers un voyage. Ce scénario n’occupe que la moitié du livre si on retire la longue présentation du début, la partie ou deux hommes se disputent la possession d’une femme et la morale de fin. Donc le scénario tient dans l’organisation d’un petit groupe qui rassemble quelques ressources et décide de fuir Paris infesté par le choléra et réduit en cendres. Ils traversent les flammes, mangent les chevaux, massacrent des barbares pilleurs, punissent de mort celui qui s’endort à son tour de garde, etc. C’est une chevauchée infernale qui laisse la part belle à l’exaltation de la nature de l’homme.
Une morale ?
Attention, cette partie va vous dévoiler la fin.
Une fois arrivé en sécurité dans une maison de campagne, le groupe commence à s’organiser pour recréer une société autour du chef. Il est bien précisé que le choléra a laissé plus de 4 femmes par homme. Il est donc essentiel que la polygamie soit rétablie au plus vite pour repeupler le monde.
Je considère à titre très personnel cette volonté d’expansion comme la pire idée qui puisse être. C’est pour moi le plus gros défaut de l’être humain d’être incapable de réguler sa population comme le font naturellement la plupart des animaux dans leur milieu… bref.
Avec le temps, le culte du chef, du patriarche est renforcé. Tout le monde vénère celui qui les a guidés jusque là et les a sauvés. Il organise les cultures, la répartition des terres et des femmes. Oui, les deux avec autant de rationalisme, mais le meilleur reste à venir. Pour prévenir tout dérapage ultérieur, il fait chercher et brûler tous les livres pour que le passé ne se reproduise pas. Seuls les chefs de villages sont initiés à l’écriture. Il va même jusqu’à tuer son fils qui avait réinventé une machine à vapeur pour aider au champ…
Pour Barjavel, l’homme optimal est celui de l’antiquité, celui qui travaille de ses mains. C’est tellement beau la science-fiction…
Plutôt que d’imaginer une manière de s’adapter à l’inévitable marche en avant du futur, il choisit la fuite vers le passé et le retour à des valeurs qui ont fait long feu.
Alors non, il n’y a pas vraiment de morale à cette histoire. L’avertissement qui sert souvent le propos de la science-fiction est également absent. La science-fiction de Barjavel n’est en fait qu’une régression.
Est-ce que je vous conseille ravage ?
Non, pas en 2025. Peut-être qu’on peut laisser à ce livre l’idée qu’il est une pierre fondatrice de la science-fiction à la française, mais ça ne va pas plus loin. Je ne lui trouve aujourd’hui aucun atout.