
Arracher les ailes des mouches 506 / 1248 mots
Les grandes vacances, c’est bien et à la fois c’est chargé d’un ennui profond. Pour Adrien, c’était l’époque des confitures et des égratignures aux genoux. Il passait les deux mois d’été à la campagne, chez sa grand-mère Irène. La vieille maison en pierre à laquelle était accolée une bassecour en bord de rivière faisait partie d’un petit village agricole. Des champs s’étendaient d’un côté et une forêt de pins de l’autre chargeant l’air d’une douce odeur de résine.
Adrien goûtait à la liberté. Le matin, il enfilait un short, un tee-shirt, une paire de baskets et il accompagnait sa grand-mère nourrir les poules. Elle lui apprit à traire une vache, même s’il avait horreur du lait chaud et gras sorti du pis. Il passait la journée dans la nature à la découverte du monde, souvent accompagné de Caporal, un berger allemand aussi âgé que sa maîtresse. Il pouvait laisser filer un après-midi entier, assis sur le bord d’un pont en bois, à pêcher la truite, mais le plus souvent il vivait des aventures au milieu des arbres. Il se taillait un arc et des flèches avec le couteau à pain qu’il avait dérobé avant de s’échapper de la maison. Avec cet outil, il coupait de petites branches qui lui servaient à fabriquer des cabanes sommaires qu’il couvrait de fougères pour s’abriter.
Parfois, il s’improvisait grand scientifique quand il brûlait les cocons de papillons avec l’allume-gaz, ou qu’il obligeait les hannetons à voler avec un fil à la patte. Sa curiosité malsaine pouvait le pousser à couper, petit à petit, les ailes des libellules jusqu’à ce qu’elles ne puissent plus décoller. Bien sûr, il lui arrivait aussi de jouer simplement aux billes ou aux voitures, mais ça, il pouvait le faire chez lui. Ici, il observait et expérimentait. La faune subissait.
Petit à petit, il confectionnait un mini zoo dans sa chambre. Dans des bocaux fermés, des mouches, des sauterelles, des araignées et même un lot de fourmis, dont il avait rasé la complexe structure de galeries pour en reloger une partie dans l’ancien bocal du poisson rouge qui fuyait. Il nourrissait tout ce petit monde avec ce qui lui tombait sous la main. Quelques miettes de pâté, de l’eau sucrée, un scarabée mort.
Un après-midi, grand-mère lui avait demandé de l’accompagner, ramasser les œufs encore chauds dans le poulailler, sans avoir oublié de les remercier pour cela. En chemin, elle avait interrogé Adrien sur ses occupations. Il fut surpris qu’elle ait remarqué le détail que représentait la disparition de la fourmilière, autant que par le ton de sa voix, il avait répondu, l’air indifférent, qu’elles allaient sûrement en refaire une plus loin. Grand-mère Irène essaya de lui apprendre à respecter la beauté de ce qu’il voyait, mais sa voix ne trouva aucun écho chez l’enfant.
Fin juillet, le gentil zoo miniature se transforma en arène de gladiateurs. Qui est le plus fort entre la guêpe et la mante religieuse ? Une araignée peut-elle se lasser de tisser si l’on détruit son travail tous les jours ?
Arracher les ailes des mouches
Informations commerciales
Nouvelle de 1248 mots
« arracher les ailes des mouches » a donné son nom à un recueil de dix nouvelles disponible sur Amazon.
Le descriptif du recueil se trouve en page d’accueil.
Dépôt légal juin 2023
Résumé de la nouvelle
Adrien passait les vacances d’été chez sa grand-mère, à la campagne. Il goûtait à la liberté. Le matin, il enfilait un short, un tee-shirt, une paire de baskets et il accompagnait sa grand-mère nourrir les poules. Elle lui apprit à traire une vache, même s’il avait horreur du lait chaud et gras sorti du pis. Il passait la journée dans la nature à la découverte du monde, souvent accompagné de Caporal, un berger allemand aussi âgé que sa maîtresse. Le jeune garçon découvre la vie au grand air et la faune sauvage qu’il soumet à ses envies de jeux.
Intention du texte « arracher les ailes des mouches »
Il est intéressant et pas toujours évident de faire passer le gentil pour un méchant et vice versa. C’est ce que j’ai un peu essayé de faire ici. Par contre, impossible de me rappeler comment cette histoire m’est venue…
Processus de création de la nouvelle
Attention, tout ce qui suit contient beaucoup de divulgations sur l’histoire qui peuvent gâcher le plaisir et la surprise lors de la lecture.
Les personnages
Il y en a deux principaux. Le jeune garçon et sa grand-mère. Une grand-mère qui fait des confitures, nourrit ses poules et laisse carte blanche à son petit fils. Il en profite pour vivre sa meilleure vie.
Les lieux
Une vieille maison à la campagne avec quelques animaux autour. Un cadre idéal pour passer les meilleures vacances de sa vie quand on est enfants. C’est aussi un endroit qui appartient plus aux animaux et aux petites bêtes en tous genres qu’à cet enfant. Lui, débarque sans connaître les codes de la nature.
Le scénario
L’histoire commence par une petite mise en situation qui, j’espère, rappellera de merveilleux souvenirs à certains lecteurs. En se retrouvant dans des souvenirs d’enfance, on se plonge (en général, j’espère que c’est votre cas) dans un cocon de nostalgie, de sécurité et d’insouciance. On baisse la garde. Dans ces conditions, peu de chance que beaucoup de lecteurs préfèrent une araignée ou une mouche à un jeune garçon qui trompe le temps. Ses jeux ne sont pas très malins, mais bon… son coefficient de sympathie est juste un peu égratigné et l’on dispose d’un boulevard pour faire entrer le surnaturel.
En le présentant ensuite sous un angle un petit peu pervers, l’identification commence à basculer. Une fois que le garçon devient un tyran sadique en puissance, il n’a plus aucun quota de sympathie. Le fait que la nature se venge de lui est plus un soulagement qu’une surprise. On l’attend presque. La surprise doit donc venir d’ailleurs. C’est tout le principe d’une nouvelle : aller à l’essentiel et conserver une chute inattendue, surprenante.
L’écriture
Tous les dialogues ont été supprimés pour cette fois, alors que d’habitude je les ajoute dans une réécriture quand je m’aperçois que le texte est trop dense et pas assez vivant. Ici, j’ai pensé qu’un genre narratif correspondait mieux, puisque l’identification au personnage est hors de question dans cette histoire.
La narration est restée à l’imparfait que j’ai trouvé plus approprié dans ce cas. Souvent, je fais une réécriture en changeant le temps (souvent, je transpose au présent/passé composé), mais dans ce cas, je n’en ai pas trouvé la nécessité.
J’avais commencé à dépeindre la grand-mère comme une gentille femme qui fait des crêpes, puis je me suis dit que cela éveillerait les soupçons. C’est ce qui arrive parfois dans les films. On nous montre une scène tellement anodine et sans intérêt immédiat qu’on se demande à quoi elle va servir. Ou l’on voit un personnage ranger ses couteaux de cuisine effilés sur le plan de travail bien en évidence. Ou bien la caméra fait un gros plan sur une roue de la voiture de la femme trompée par son mari. Vous voyez de quoi je veux parler.
Donc je l’ai passée sous silence, jusqu’à la fin. Au risque que le lecteur se demande d’où elle sort d’un coup pour avoir ce comportement alors qu’elle n’était pas vraiment décrite jusque là, à part par le fait qu’elle prenait soin de ces animaux, ce qui est le principal ici.
A la fin j’ai choisi cette nouvelle comme ouverture du recueil “arracher les ailes des mouches”. Je trouvais qu’elle représentait plutôt bien l’ensemble. Elle a une construction classique, elle est courte et bénéficie d’un travail particulier sur la chute. Malheureusement, c’est aussi la plus violente et on me l’a reproché. Alors si je devais faire une seconde édition, je pense que je modifierai l’ordre des textes.
Principalement parce que de ce point de vue, elle ne représente pas le ton des autres textes et donc le publique auquel l’ensemble s’adresse. Il faut savoir que sur KDP le livre est lisible à la page. Si le début rebute une partie du lectorat à cause de cet aspect, Il ne verra pas le reste qui est plus “tout publique”.
Comment finir « arracher les ailes des mouches »
Comme je le disais, la fin est attendue. Le garçon est une sorte de monstre. Il subit un châtiment pour sa conduite. Mais cela ne constitue pas une chute. Il fallait donc la faire survenir d’ailleurs et donner une effet de chutes à tiroir avec un rebondissement final.
J’ai donc choisi un autre intervenant pour cet effet de surprise. Un personnage au-delà de tout soupçon. J’espère que j’ai réussi ma fin et qu’elle vous a plu ou vous plaira.