

L’insurrection qui vient discrédite son propos par sa forme
Informations commerciales
L’insurrection qui vient est un essai politique d’un auteur identifié sous le terrifiant pseudonyme de comité invisible.
Publié en 2007 par La Fabrique éditions.
120 pages
Résumé de l’insurrection qui vient
L’insurrection qui vient est découpé en plusieurs chapitres appelés cercle. Là encore, sans doute pour augmenter l’effet mystérieux et l’esprit « je fais pas comme tout le monde, je suis pas un mouton ».
L’idée de fond est que tout est pourri et qu’il n’y en a plus pour longtemps avant que ça craque parce que là vraiment, « on en a gros ». Les premiers cercles sont donc une succession de reproches faits à la plèbe qui tend la deuxième joue quand elle en a ramassé une sur la première. Pour montrer à quel point vous êtes les pions décérébrés du système, tout y passe : les divertissements débilitants, les réseaux abrutissants, la consommation hors de contrôle, l’environnement qui menace l’économie, les mégapoles anonymisantes, etc.
Le comité prône également la lutte armée et antidémocratique, mais dans des termes de politiciens qui enverraient bien la troupe au combat.
La dernière partie du livre énonce une suite de préconisations à adopter pour rendre la lutte efficace et coordonnée (du point de vue de l’auteur).
Mon avis
Le comité invisible
Le comité invisible c’est presque la menace fantôme. Rien ne dit dans le texte qu’il y a des co-auteurs, mais ça fait plus mystérieux quand c’est un comité. Et puis un gars tout seul c’est un râleur. Un comité, c’est tout de suite plus sérieux. On sent qu’il y a quelque chose de réfléchi, une doctrine et une force de « persuasion ». D’ailleurs, le comité le précise sur sa 4e de couverture : « le comité est du côté de ceux qui s’engagent ».
Des promesses dans le vent
Avec une annonce comme celle-ci, je m’attendais à un manuel du parfait révolutionnaire ou du petit anarchiste sans frontière, un peu de contenu avec des réflexions sur comment s’organiser une liste pas forcément trop descriptive de groupes qui agissent pour un monde égalitaire. Et c’est là que ça coince.
La politique se répète
Le comité invisible m’a fait exactement le même effet que ces leaders manifestants de mai 68 qui se sont retrouvés au gouvernement et qui une fois au pouvoir ont été amalgamés au groupe et ont répété le schéma de leurs prédécesseurs.
Le comité critique et renie tout. Il se base sur l’exemple de la commune que même Lénine nous enviait (cf la révolution russe dans cet article). La commune est cité à tort et à travers un nombre incalculable de fois dans cet essai. L’auteur en fait la base de sa « réflexion ». Pour lui c’est le modèle à suivre et à répéter. La multiplication des communes est un acte essentiel de la révolution anarchiste. À titre personnel, je n’arrive pas à concevoir une multitude de groupes de cette ampleur sans chefs et encore moins sans qu’un des chefs décide de rassembler toutes les autres communes sous sa bannière. L’anarchisme est malheureusement un modèle qui ne convient pas à l’homme de notre époque.
La forme anéantit le propos
Je ne veux pas dire que les thèses anarchistes doivent être énoncées avec hargne dans un langage d’écorché outrancier, mais enfin il y a des limites. Il faut montrer l’engagement, l’impact du discours doit être important et percutant. Ici, l’auteur se complaît dans des tournures pompeuses et des phrases à rallonge avec des compléments de compléments entrecoupés de digressions indigestes.
Et même le fond est parasité par un tas d’amalgames étranges et contre-productifs. C’est-à-dire qu’à force de cracher sur tout le monde, il n’y a plus personne qui vous écoute. Il faut orienter son discours et savoir se concentrer sur sa cible à l’inverse de ce paragraphe assez représentatif de tout le livre :
« C’est qu’en un siècle la démocratie a présidé à la mise au monde des régimes fascistes, que la civilisation n’a cessé de rimer, sur des airs de Wagner ou d’Iron Maiden, avec extermination, et que la liberté prit un jour de 1929 le double visage d’un banquier qui se défenestre et d’une famille d’ouvriers qui meurt de faim ».
Voilà, 58 mots pour quelle idée directrice à part celle de donner mal au crâne au lecteur ?
Je cite cet exemple qui contient Maiden parce qu’il m’a amusé, mais tout le livre est comme ça, indigeste et incompréhensible.
Est-ce que je vous conseille l’insurrection qui vient ?
Non, certainement pas. J’espère que ce livre un peu prétentieux n’avait pas pour but le renouveau de la pensée anarchiste, car il n’en a vraiment pas la carrure. Il n’est pas plus intéressant sur le plan historique ou politique. Je dirais même que ce texte verbeux ressemble trait pour trait aux discours qu’on entend déjà trop souvent pour nous manipuler. Ce livre, écrit par un auteur anonyme qui se revendique de l’anarchie et de la lutte armée comme s’il était un clandestin dans le maquis alors qu’il est sans doute au fond de son canapé à fumer la pipe, ne profite pas à cette cause.