La journal d'un fou, Nicolas Gogol
4 étoiles

Le journal d’un fou – Nicolas Gogol et l’absurde

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Recueil de nouvelles
Publié chez Librio
Traduit par Boris de Schloezer pour Garnier Flammarion en 1968
« Le journal d’un fou », 30 pages, suivie de « Le portrait » 40 pages et de « La perspective Nevsky », 44 pages.

Résumé des nouvelles

Le journal d’un fou

Un fonctionnaire à un emploi médiocre qu’il juge essentiel. Son chien parle. Soit, mais quand il découvre que son chien écrit, il s’interroge. Pire, son chien entretient une conversation épistolaire avec la chienne du voisin. C’est inquiétant.

Le portrait

Un peintre très doué ne peut vivre de son art. Il se résigne à renier ses principes d’excellence pour tirer, à la chaine, les portraits des gens de la société. Il obtient vite beaucoup de succès. Pourtant un portrait qu’il a chiné pour trois fois rien le hante jour et nuit.

La perspective Nevsky

La magnifique rue de Pertersbourg devant laquelle le monde s’extasie. Les deux personnages de cette histoire ne la voit pas comme cela. La rue change au fil des heures, peuplée de personnages différents suivant le moment de journée. Comme des fauves qui se partagent un point d’eau.

Mon avis sur « Le journal d’un fou »

Sur le fond

Le portrait est intéressant, mais moins original que les autres. La perspective Nevsky est extrêmement descriptive, ce qui la rend très longue à lire et moins passionnante. Je vais donc concentrer mon propos sur Le journal d’un fou.

Définition de « absurde » : Qui est contraire à la raison, à la logique, au sens commun. Aberrant, impossible, incohérent.

L’absurde fait appel à la suspension volontaire d’incrédulité tant recherchée par l’auteur de fiction. C’est-à-dire que dans l’impossible, le tout doit consentir à une homogénéité et respecter ses propres règles. C’est très aisé à faire quand on écrit de la fantaisie. On part du postulat que les fées existent et qu’elles volent, point. C’est comme ça, le lecteur l’admet et tourne les pages. C’est la suspension volontaire d’incrédulité. Si d’un coup, le lecteur lit qu’une fée ne vole pas, l’auteur doit s’en expliquer sous peine de briser le consentement du lecteur.

Mais quand on écrit un texte qui pousse très loin l’absurdité des personnages et des situations, surtout dans le domaine du fantastique ou l’étrange surgit du réel,  c’est comme danser sur une corde raide. Il est très difficile de conserver l’attention du lecteur. C’est le tour de force que réussit à faire Nicolas Gogol dans « Le journal d’un fou ». Les scènes s’enchainent et vous poussent toujours plus loin dans un monde sans queue ni tête, mais où tout semble parfaitement dans l’ordre des choses si l’on apprend à les regarder comme il faut. C’est indescriptible.

Sur la forme

On peut ne pas aimer le genre, mais comment ne pas reconnaître l’art d’écrire un tel texte ?

Ça me parait tellement… je ne trouve pas les mots. Il n’est pas compliqué pour quelqu’un qui s’en donne les moyens d’écrire une histoire qui se tient ; même en fantaisie. On pose les bases de l’histoire dans un monde qu’on imagine. Les contraintes donnent les frontières de l’histoire.

Quand on s’affranchit de toutes limites, alors l’histoire est impossible à raconter. De mon point de vue, seuls les jeunes enfants ont ce pouvoir. Ils jouent bien avec un éléphant en peluche qui discute avec un trotteur qui clignote conduit par une Barbie, sans que rien ne paraisse aberrant. Une fois adulte, on a besoin de limites qui conservent le monde cohérant. Il nous faut des repères qui conditionnent nos réactions face à des situations.

Comme je le disais, s’affranchir de tout cela pour écrire un texte est un tour de force ; un lâcher-prise complet. Je me suis essayé à cet exercice et j’en suis bien incapable.

Le mot de la fin

Vous l’avez deviné, j’ai adoré Le journal d’un fou. En tant que lecteur, c’est très agréable. Ça détend, car on ne peut pas chercher d’explications à ce qu’on lit. On appréhende les scènes les unes à la suite des autres en les appréciant simplement. En tant qu’auteur, c’est fantastique ; un vrai cours.