L'oisillon, la vache et le coyote 554 / 554 mots

— Hé, fais attention où tu mets tes plumes, mon p’tit. J’ai failli te passer sous un sabot.
— Je suis tombé… tout là-haut… du nid. Et ma maman est partie.
— Eh bien, on dirait que ça commence mal pour toi. Tu ne peux pas rester en plein milieu du chemin. Tu sais ce qui se serait passé si, à ma place, c’est le chat de la ferme qui t’avait trouvé ?
— Mmh, mmh…
— Je vais te le dire. Il se serait jeté sur toi, et t’aurait aiguillonné en te regardant te débattre. Il aurait commencé par de petits coups de griffes, et aurait sûrement joué avec toi quelques minutes, avant de te croquer définitivement dès qu’il se serait lassé de toi. Voilà comment finissent les oisillons imprudents dans ton genre.
— M… mais toi, tu peux m’aider, hein, hein ?
— Je vais essayer de te ramasser entre mes lèvres pour te déplacer sur le bas-côté. Voilà, au moins, personne ne te marchera dessus.
— Mais avec ces histoires de chat, j’ai peur de rester ici, tout seul.
— Mon pauvre petit, il n’y a pas grand-chose que je puisse faire pour toi. Je risquerais de te blesser, avec ces sabots que j’ai aux pattes, si j’essayais de te prendre. Si tu pouvais t’accrocher à ma queue, je pourrais tenter de te renvoyer dans ton nid, mais ça me semble être un grand vol plané pour un si petit oisillon.
— Alors ça veut dire que je suis foutu, à la merci du premier carnivore qui passe ?
— Et justement, en parlant de carnivore en voilà un qui ne fait pas de cadeau. Je vois au loin une épaisse queue grise qui passe de fourré en fourré. Je ne vais pas traîner dans le coin plus longtemps, désolé petit, mais… ah si, attends, j’ai une idée. Ça va te paraître étrange, mais tu dois me faire confiance. J’aurai fait tout ce que je peux pour toi. Surtout, ne bouge pas, tu me remercieras plus tard. Adieu, petit.
— Non, mais pourquoi tu te retournes ? Qu’est-ce que tu me montres comme ça ? Tu ne vas quand même pas faire ce que je pense ? Non, s’il te pfllflflf…
— Y a quelqu’un ? Je vous entends.
— Pipiyou. Pipiyou
— Mais qui voilà. Un pooooooovre petit oisillon perdu dans une immonde bouse, quel gâchis. Viens un peu par ici, que je te décrotte.
— Merci, monsieur, c’est très aimable à vous.
— Mais de rien, mon bonhomme, c’est tout à fait normal.
— Aïe, pardon, doucement avec mes ailes s’il vous plaît.
— C’est la grosse vache que je viens de voir partir qui t’a fait ça ?
— Oui, je n’ai pas compris, elle m’a recouvert de bouse et m’a dit que je la remercierai plus tard. Elle semblait avoir peur de quelque chose. Merci, ça va, vous pouvez arrêter de me tripoter maintenant, je vais bien.
— Oui, c’est ce que je vois, tu es en forme pour un si jeune oisillon, et tu aurais dû écouter cette vieille carne.
— Vous bavez beaucoup, c’est normal ?
— Je ne bave pas, petit, je salive. Finissons-en, maintenant que tu es propre.

Morale : ceux qui te mettent dans la merde ne le font pas toujours pour ton malheur et ceux qui t’en sortent ne le font pas toujours pour ton bonheur. Surtout, quand tu es dans la merde, tais-toi.

L'oisillon, la vache et le coyote

Quelle fable pourrait écrire Lafontaine si il vivait aujourd’hui ?
Alors non, je vous arrête tout de suite, je ne me prends pas pour Lafontaine. Mais quand même, ça ne coûte rine d’essayer. Mais pas en vers, hein faut pas pousser non plus.
Au début, je voulais réécrire « le scorpion et la grenouille » sous une forme différente, savoir ce qu’ils pouvaient se raconter, ce qui se passait entre les deux. Cette fable et sa morale ont du me marquer profondément car je m’en rappelle assez bien, alors qu’elle ne fait vraiment pas partie de celles qu’on apprend (apprenait, pardon) à l’école. Et puis la référence aurait été beaucoup trop évidente, pour le coup, on aurait été proche du plagiat pour une utilisation commerciale. Même si je trouvais l’idée séduisante au départ, la réalisation ne me disait rien.
C’est là que je me suis souvenu d’une autre fable, beaucoup plus acteulle, dans la morale et surtout dans le langage.
A partir d’ici, je vous incite à d’abord lire la nouvelle, avant de continuer ci-dessous.
Elle vous rappelle peut-être quelque chose.
Avez vous trouvé de quoi elle est tirée ?
C’est dans le fameux film « mon nom est personne ». https://www.youtube.com/watch?v=Re6qf-jVNuk

C’est une fable que raconte Terence Hill (personne) à Henri Fonda (Jacques Beauregard). Elle m’avait beaucoup amusé, je l’ai réécrite ici en changeant le point de vue et en l’étayant légèrement.
Bon OK, ce n’est pas de la grande littérature mais je trouvais qu’elle avait sa place dans mon petit recueil de fantaisie. J’espère qu’elle vous aura rappelé de bons souvenirs.