La chambre des officiers, Marc Dugain raconte les combats des gueules cassées.
Informations commerciales
La chambre des officiers est une novella dramatique
Prix des deux magots et prix des libraires
Édité chez JC Latès
Publié chez Pocket
Dépôt légal décembre 1999
Résumé de « la chambre des officiers »
Adrien rencontre Clémence en 1914, la veille de partir à la guerre. Un amour éphémère nait d’une nuit sans lendemain. Dans les premiers jours de la guerre, Adrien est défiguré par une bombe allemande. Il passera la guerre dans la chambre des officiers du Val-de-Grâce en compagnie de trois autres blessés qu’il ne quittera plus. L’idée de retrouver Clémence en sortant l’aide à tenir. Les opérations de reconstruction faciale se succèdent. Le regard des autres est difficile à soutenir. La vie doit être plus forte que tout et doit continuer.
Note sur l’auteur
Marc Dugain est né le 3 mai 1957. Une génération pour laquelle les guerres sont très présentes. Il est dit dans la préface :
« M. Dugain a passé son enfance dans le château des “gueules cassées” où il accompagnait son grand-père. »
On peut donc penser que l’auteur est parfaitement renseigné sur les conditions des blessés et toutes les difficultés qu’ils ont dû surmonter.
Mon avis
Un drame tenu de bout en bout
Dans ce court roman, chaque mot sert l’histoire. Contrairement aux pavés de 500 pages qui tournent en rond et finissent toujours par nous ennuyer, ici on a un texte pur exempt de remplissage grotesque. Adrien était heureux avec Clémence. Sa vie aurait été un parcours idéal si la guerre ne l’avait pas stoppé violemment.
Le lecteur est sur le fil de bout en bout de cette histoire et d’un mur à l’autre de cette chambre des officiers, partagé entre le désir de vivre d’Adrien et de ses compagnons et la difficulté de reprendre goût à la vie. Quand l’un, sourd, ne peut pas lire sur les lèvres de l’autre qui n’en a plus, même une simple conversation est une véritable épreuve qui vous pousse à savourer le moindre succès. La mort rôde à chaque instant autour de ceux qui se sont nommés « l’escadron des naufragés ». La guerre s’intensifie, les blessés affluent. Certains s’éteignent en silence dans l’indifférence. Les blessés se tiennent volontairement à l’écart de leurs proches, craignant d’être reniés comme des parias, bons à rien. D’une page à l’autre, Adrien oscille entre espoir et abattement. Le suicide fait aussi son entrée chez ceux qui ne peuvent pas supporter leur condition et cette idée est présente chez tous les incarcérés sanitaires du Val-de-Grâce.
Le lecteur n’entrevoit jamais le futur d’Adrien, il ne voit qu’une seule issue quand, rendu à la vie civile, il constate que tout ce qu’il a connu (ou presque) a disparu.
Pourtant, la vie est plus forte. L’escadron déborde de la gaité de ceux qui n’ont plus rien à perdre et profite de chaque instant de leur vie. Les années folles passent par là, le théâtre, les bars animés, alors quand la guerre frappe à nouveau, c’est plus qu’un cauchemar qui recommence pour Adrien.
Une écriture simple
Le style de l’auteur est simple et touchant. Une foule d’émotions vous traversent à la lecture de ce roman-manifeste. Elles sont basées presque uniquement sur la personnalité des personnages, leurs ressentis, leurs efforts pour s’accrocher les uns aux autres. Les décors sont presque absents du texte. On ne dispose que de la chambre d’hôpital blanche et dépouillée, l’appartement d’Adrien dont on ne connaît que vaguement la chambre à coucher et la ferme d’un de ses amis dans laquelle ils se réfugient en 1940.
Un œil critique sur l’histoire
Le regard porté sur l’histoire est glaçant. C’est un manifeste contre les horreurs de la guerre. L’envie de se raccrocher à la vie affronte la volonté belliqueuse des hommes.
La douche froide. Après la « der des der » et quelques années de compassion envers les anciens combattants et les « gueules cassées » nait un sentiment de rejet dans la génération montante. Puis, débarquent les années folles. On veut oublier définitivement l’horreur (de notre côté de la frontière, car l’Allemagne est étranglée par les réparations exigées par les alliés). L’invasion de la Pologne est perçue comme un sursaut sans conséquences. Les « gueules cassées » sont terrifiées par le retour des combats. Ils ne peuvent pas y croire, eux qui se battaient pour mettre fin à la guerre. Voir les Allemands dans Paris est une gifle insupportable.
Le mot de la fin
Rien qu’à écrire cette chronique, j’en ai encore des frissons. Il faudra voir avec le temps, mais je pense que « la chambre des officiers » est le genre de roman qui vous laisse des images impérissables en mémoire. C’est aussi un livre qui n’a pas d’époque. J’ai envie de dire « malheureusement ». Le thème de la guerre pour des motifs plus ou moins vagues reste intemporel.
Je n’avais pas d’attente particulière envers ce livre et je ne regrette absolument pas qu’il me soit tombé entre les mains. Pour l’instant, c’est ma meilleure lecture de 2024.