le lion - joseph kessel - 4e
2 étoiles

Le lion en Afrique coloniale

Informations commerciales

Le lion est un roman de Joseph Kessel
édité et publié par Gallimard en 1958
233 pages

Résumé

Un visiteur arrive dans une réserve africaine pour observer les animaux sauvages. Il fait la rencontre d’une jeune fille tout à fait adaptée à la vie dans la savane. Elle semble même posséder un pouvoir sur les fauves. Le visiteur rencontre son père, un ancien chasseur, sans scrupule reconverti en gardien de réserve et sa mère, une citadine désespérée de voir sa fille devenir une sauvage. Avec eux, il va découvrir un monde naturel bien loin de ce qu’il connaît.

Mon analyse du lion de Joseph Kessel

Après 70 pages pour décrire une photo de l’Afrique vue par Joseph Kessel, je n’y suis toujours pas.
Il se trouve que je suis allé au Kenya. J’y ai fait deux safaris (photo) et j’ai pratiqué les trajets en mini bus pour me déplacer en ville. J’ai des souvenirs frappants de ce voyage et ils ne correspondent pas du tout au tableau de Joseph Kessel.
Tout d’abord, le plus frappant que j’en retiens est la perte de repères. Quand vous êtes un citoyen d’une ville urbanisée et inhumaine, le décalage avec ce pays entièrement tourné vers les humains et les animaux est gigantesque et vous n’êtes pas adapté pour y faire face. Vous n’avez pas les codes humains pour communiquer, et je ne parle pas de la langue, mais bien du comportement à adopter.

Vis-à-vis de votre environnement, ce décalage est encore plus important. Ce n’est plus une perte de repère, c’est que vous n’êtes plus dans le même monde. Vous êtes sur le territoire des animaux et vous ne pouvez pas l’oublier. Dans les terres, les éléphants et les félins menacent. Dans les villes et les lodges, les animaux de toutes tailles sont omniprésents. Plus ou moins répugnants pour un occidental (comme des blattes énormes), ils sont ignorés par les locaux. Mais cela n’est pas ce que vous remarquez en premier. Non, il y a trois principales différences qui vous percutent de plein fouet dès que vous arrivez. La première c’est la chaleur et l’humidité ; impossible de faire sécher une serviette mouillée. La deuxième est la couleur ; le rouge est partout, sur la terre, sur les gens, la poussière s’infiltre dans tous les recoins. La troisième est l’odeur de fauve qui emplit l’air et vos narines continuellement.

Ces trois points, fulgurants pour moi, sont complètement passés sous silence par Joseph Kessel. Il décrit l’Afrique comme si c’était chez lui. Pour être sûr qu’il s’agit du Kenya, il n’oublie pas de mentionner le Kilimandjaro à de nombreuses reprises, mais en fait, c’est juste une montagne, et des montagnes, il y en a partout. Tout le reste, il en parle comme si c’était chez lui. Je pourrais vous décrire ma cuisine de la même manière. Je m’attendais à vivre un voyage à avoir des images en fermant les yeux, et… rien. Juste un gars en voyage qui regarde par sa fenêtre et qui écoute un chasseur repenti devenu amoureux de la nature. C’est mince.

Le scénario

Il est mince et étiré sur 233 pages. Le visiteur découvre petit à petit un pays qu’il nous décrit pendant 70 pages où il ne se passe rien. Ensuite, on comprend qu’il y a des tensions et que la situation actuelle est en équilibre fragile et ne pourra pas durer longtemps. Une intrigue pointe timidement dans les 70 dernières pages. On voudrait nous faire croire à une pseudohistoire d’amour, alors qu’il s’agit d’une histoire de possession et de l’exercice du pouvoir de l’homme sur la nature. Le fait qu’il s’applique à travers une enfant ne rend pas la situation plus intéressante ni acceptable.

Les personnages

Le gardien de la réserve a un passé sombre. Il a participé à décimer des animaux par dizaines quand il était chasseur et sa condition de gardien aimant la nature, ne suffit pas à effacer le plaisir qu’il avait à tuer. Sa femme semble tour à tour à bout de nerf ou en pleine dépression, elle cherche dans ses souvenirs des grandes villes dans lesquelles elle a vécu. Patricia, la fille, qui pourrait être la plus adorable du roman n’est ni plus ni moins que la fille de deux Anglais qui sont en terrain conquis au service de sa majesté. Ce statut transpire tout au long du livre jusqu’à un mépris affiché pour les serviteurs noirs « ce noir, il est à moi. ». Une forte tension s’est établie entre les trois au fil des mois passés dans la brousse.

Quant au narrateur, on ne connaît même pas son nom. Le chauffeur noir du visiteur est un pleutre qui n’aime pas les massaïs et le chaperon de Patricia est un traitre à sa tribu.
Tout est fait pour qu’aucun de ces personnages ne vous soit agréable et ça fonctionne très bien. Au mieux, vous les détesterez un peu plus à la fin du livre qu’au début.

Les lieux

Comme je l’écrivais plus haut, le tableau est peu réaliste. On y trouve une Afrique aseptisée comme si on se trouvait sous la coupe de la couronne d’Angleterre qui rendait les blancs intouchables et l’eau potable.

Est-ce que je vous conseille le lion de Joseph Kessel ?

Non, je ne vois pas quel argument pourrait vous inciter à lire ce roman qui a mal ou pas assez vieilli. Il aura peut-être un intérêt quand on ne saura plus ce qu’est un lion. En attendant, si vous désirez avoir un aperçu de l’Afrique, regardez un documentaire. Si vous voulez une histoire d’amour nocive, lisez de la dark romance. Le lion ne m’a touché par aucun des thèmes qu’il a abordés. La seule beauté nue vient des descriptions de la tribu massaï.