Réécrire l'Histoire 799 / 2180 mots

— Allo, monsieur Hanna ?
— Lui-même, qui le demande ?
— Frieda Tchacos-Nussberger.
— Bonjour madame, je n’étais pas sûr de vous entendre à nouveau.
— Et bien, j’ai repensé à votre proposition. C’est d’accord pour le rendez-vous.
— Aux conditions dont nous avons parlé lors de notre dernière conversation ?
— Tout à fait
— Parfait, dans ce cas, je vous dis à bientôt, madame. J’ai hâte de vous rencontrer.
— Moi de même, monsieur Hanna.
Tu parles que c’est d’accord. Vingt ans que je te cours après, je ne vais pas laisser passer ma chance aujourd’hui.

Le 3 avril 2000, Frieda Tchacos-Nussberger est en avance d’un bon quart d’heure. Cela fait des années qu’elle est marchande d’art. Elle sait que ça ne sera pas à son avantage dans une négociation. Elle a déjà eu entre les mains de nombreuses pièces de collection, mais cette fois c’est bien plus. Elle a tourné plus d’une demi-heure autour de la Citibank quand elle s’assoit dans le hall. Lui est en retard. Elle essaie de se détendre pour ne pas laisser paraître son impatience. Quand un homme typé égyptien entre, elle le regarde attentivement. Chemise en lin et pantalon large couleur sable. Un cliché. Sans doute, passe-partout d’où il vint, mais ici, il dénote. En tout cas, ce n’est pas l’idée qu’elle se faisait du bijoutier qu’elle devait rencontrer. Il cherche quelque chose, ou quelqu’un, des yeux puis s’avance vers un guichet. Frida se lève et se dirige vers lui. Quand il la remarque s’approcher rapidement, elle lui tend la main pour ne laisser aucun doute sur ses intentions.
— Monsieur Hanna, je suppose ?
— Tout à fait et vous êtes donc madame Tchacos-Nussberger.
— Exactement.
L’homme derrière le guichet les interrompt.
— Monsieur, le formulaire est en ordre, veuillez me suivre s’il vous plaît.
Hanna esquisse un geste poli et précède Frieda à la suite du banquier qui se dirige vers le fond de la salle. Leur guide insère une clé dans le montant de l’ascenseur pour ouvrir les portes. Il les invite à entrer et pénètre à son tour dans la cage. Les portes se ferment puis une autre clé est introduite dans le boitier intérieur pour commander la descente. Aucun mot n’est échangé et le guichetier discret regarde devant lui comme s’il était seul. Au niveau inférieur, l’ascenseur s’ouvre sur un couloir de quelques mètres qui fait face à une lourde porte blindée. L’employé de banque se tourne vers la droite et glisse le formulaire de consultation à travers la fente horizontale d’une vitre de plusieurs centimètres d’épaisseur. Derrière, un gardien armé observe le document, puis scrute les deux inconnus. Quand tout lui paraît normal, il sort de son bocal par une porte, elle aussi blindée. Face au sas gris qui protège de nombreux trésors, l’agent de sécurité et le guichetier insèrent chacun une clé dans le mur et déverrouillent la porte du coffre avant d’actionner une grosse roue apposée en son centre.

Le banquier s’écarte sur le côté et incite l’égyptien à entrer d’un geste de la main.
— Voilà, monsieur Hanna. Prenez le temps que vous voulez. Quand vous désirerez remonter, vous n’aurez qu’à appeler le gardien. Je vous laisse.
— Merci beaucoup.
Frieda observe la cérémonie trop longue pour elle. Elle brûle d’impatience de le découvrir et a beaucoup de peine à cacher sa nervosité.
Assabil Hanna entre le premier.
— Enfin seuls. Je suis enchanté de faire votre connaissance.
— Je n’ai pas pu me résoudre à laisser passer cette occasion de le contempler.
— Je m’en doutais. Je n’étais pas sûr, mais j’espérais que cela piquerait suffisamment votre intérêt. Nous cherchons le coffre 718.
— 718… l’affaire n’est pas conclue pour autant. Pour le moment, c’est de la curiosité.
— Ha ! Le voilà. Votre curiosité va bientôt être satisfaite.
Hanna sort une clé de sa poche et déverrouille une trappe. Une fois ouverte, il tire un lourd tiroir fermé, plat et long qu’il pose sur la table fixée au sol dans le milieu de la petite pièce. Elle est vide aux murs plaqués de métal et résonne même quand on parle à voix basse. Hanna bascule le couvercle de la boîte délicatement. Les yeux de Frieda s’écarquillent au fur et à mesure qu’il révèle son contenu. Une joie impossible à décrire l’envahit et les battements de son cœur accélèrent. Elle voudrait le toucher. Poser ses mains là où des personnes si illustres l’ont tenu serait déjà une telle épreuve qu’elle ne sait pas si elle ne serait pas submergée par l’émotion. En même temps, elle se rend compte qu’elle a beaucoup fantasmé ce moment et que la réalité est encore une fois loin de ce qu’elle imaginait. Elle a peut-être fondé trop d’espoir sur cet instant. Il est certes magique et imprégné de passion et d’histoire, mais l’objet de sa convoitise a eu du mal à lutter contre le temps.

Réécrire l'Histoire

Informations commerciales

Nouvelle historique basée sur des faits réels.
« Réécrire l’histoire » fait partie du recueil « Nouvelles Noires pour Nuits Blanches » disponible sur Amazon.
Dépôt légal novembre 2022

Résumé

Frida Tchacos-Nussberger entre en possession d’un très ancien parchemin dont elle a retrouvé la trace. Elle va être obnubilée par ce texte une bonne partie de sa vie. Elle fera tout pour prouver son authenticité puis pour lui rendre sa place dans l’Histoire. Malheureusement, l’évangile de Judas n’est pas très bien accueilli.

L’inspiration

Tout commence par un reportage sur une chaîne documentaire qui m’a fasciné. J’ai ensuite fait beaucoup de recherches, d’une part pour confirmer les affirmations du reportage et ensuite pour combler quelques trous de l’histoire. Je pense que ces reportages doivent être disponibles sur une des plateformes de streaming.
Autant vous dire que devant un sujet aussi passionnant le nombre d’heures de recherches n’est pas du tout rentable pour la longueur de la nouvelle et du temps d’écriture.

Le processus d’écriture de la nouvelle « réécrire l’histoire »

Toute cette nouvelle s’inspire de la vie aventureuse de Frieda Tchacos-Nussberger. Je l’ai trouvée formidable. D’ailleurs, la part de fiction est infime tellement l’histoire se suffit à elle-même.
Une fois la phase de recherche terminée, l’écriture l’était presque aussi. Il fallait principalement remettre le tout en forme et dans la bonne ligne de temps, puis ajouter un peu de dialogue pour rendre le tout plus vivant.

Pour cette fois, je ne sais bien quoi ajouter de plus tellement ma part de travail était minime.

Le projet derrière la nouvelle

Le sujet m’a tellement plu que j’ai commencé par en tirer un scénario pour une partie de jeux de rôles. Par la suite, j’ai écrit le plan d’un roman de fiction, d’inspiration Lovecraftienne, basé sur cette histoire. Malheureusement, pour le moment, ce projet de roman est au point mort. Ce sera beaucoup plus fantastique que la nouvelle. Pour faire une comparaison, même si je n’aime pas cette référence, ce sera plus dans la veine du « Da-Vinci Code » en ce qui concerne la trame emmêlée de mysticisme. Je n’en dis pas plus pour le moment, d’autant que ce ne sera probablement pas mon deuxième roman, mais plutôt le troisième si j’en ai la possibilité.

En compensation, je vous offre un extrait un peu plus long que d’habitude pour cette nouvelle du recueil « Nouvelles Noires pour Nuits Blanches ».