1922 carte première traversée du Sahara en autochenilles Citroën

La Première Traversée du Sahara, un scénario pour l’Appel de Cthulhu

Introduction

Le joueur qui devait jouer le géographe décrit dans l’article de la séance 0 s’est désisté. L’équipage de « chenille ramapante » est définitivement réduite à quatre personnes.

Les investigateurs ont déjà parcouru environ 1500 km en Algérie à bord de leur autochenille, pourtant ils ne se sont toujours pas familiarisés avec le désert et leur véhicule qui les maltraitent. Jusqu’à maintenant, leur voyage ne constitue pas un véritable exploit. Ils ont suivi la plupart du temps les anciennes voies des caravanes touarègues. La partie vraiment aventureuse de la première traversée du désert comme aujourd’hui, au pied du Hoggar.

Départ d’In Salah

Le matin du 24 décembre 1922 n’est pas un jour de fête pour nos investigateurs. Louis Audouin-Dubreuil les a prévenus, la journée va être longue. Le rêve est sonné de bonne heure. Le temps qu’ils plient le camp, un marché improvisé s’est installé aux abords de la ville-oasis d’In Salah. Certains en profitent pour y acheter quelques babioles à ramener en France. Entre deux étales, Maurice aperçoit le chevrier qui les a drogués et leur avait fait passer la pire nuit de leur vie. Il se tient accroupi devant un petit étale installé sur une couverture à même le sable. Il avertit Germain pour tenter de l’approcher, se doutant qu’il tenterait de fuir. Le capitaine propose une approche en tenaille pour le surprendre. Malheureusement, le vendeur à la sauvette disparait derrière le passage d’un badaud et ils perdent sa trace de manière complètement incompréhensible.

Persuadés qu’ils ont eu une hallucination, et pris par le temps, ils décident de ne pas s’attarder et rejoignent le convoi qui s’apprête à partir.

Le Hoggar

Ce massif montagneux est très particulier dans le désert algérien. La caravane quitte le sable pour s’aventurer sur le reg glissant et cassant. À partir de maintenant commence la véritable ouverture d’une route commerciale audacieuse décidée par le commandement. La monotonie des dunes et la poussière soulevée par le convoi laissent place à une attention de chaque instant, nécessaire pour mener l’autochenille sur le flanc de la montagne et dans les vallées. Le bruit de leur machine luttant contre la pierre est assourdissant.

La menace venue du ciel

Au loin, une étrange forme noire s’est formée dans le ciel. Elle grossit très vite et devient menaçante. Dans les voitures devant eux, des doigts affolés pointent dans toutes les directions. La voiture de tête visible entre deux virages de roche ne prend pas la décision de s’arrêter. Au contraire, le pilote de tête dirige son véhicule vers les hauteurs prenant de plus en plus de risque.

Un vent très fort se lève brutalement. L’obscurité des nuages tombe sur le Hoggar et une pluie torrentielle s’abat sur la montagne imperméable. En quelques minutes, les investigateurs sont trempés. Impossible pour le capitaine qui pilote de continuer à diriger sa voiture. Il perd la vue des phares de la voiture qui les précède. Arrivés sur un faux plat à flanc de montagne, ils décident de s’arrêter. Ce sont maintenant des trombes d’eau qui se déversent sur eux. La montagne ruissèle, les crevasses se remplissent et se transforme en ruisseaux rapides. Les investigateurs inquiets sont pris au dépourvu. La Valée se transforme en rivière grondante et menaçante.

L’apocalypse Saharienne

L’autochenille poussée par les rafales commence à glisser sur la roche lisse, malgré son poids. Les investigateurs s’accrochent à tout ce qu’ils peuvent. L’autochenille finit par être emportée prise par le courant d’une rivière opportuniste qui n’existait pas un quart d’heure plus tôt. Germain et Maurice sont éjectés du véhicule. Berthe s’accroche tant qu’elle peut. Quand elle voit le professeur lâcher prise et se faire emporter, elle tend la main courageusement pour l’attraper, mais celui-ci l’emporte avec lui dans la cataracte.

Ils sont ballotés dans tous les sens, projetés sur les rochers par le courant. Dans des réflexes de survies, ils saisissent chaque instant où leur tête émerge pour prendre une bouffée d’air avant d’être plongés dans les remous. Ils ont l’impression d’un temps infini durant lequel on cherche à les écarteler, puis à tabasser toutes les parties de leurs corps.

Vivants

Ils ouvrent difficilement les yeux à proximité d’un feu de camp rassurant. Leurs vêtements dégoulinent toujours. Hormis Berthe qui s’en est bien sortie vu les circonstances, les trois autres sont rompus de fatigue. Leurs corps douloureux sont couverts d’ecchymoses. Ils peinent à s’assoir et découvrent qu’ils sont dans une grotte. À l’entrée, deux hommes bleus sont assis en tailleur et de dos. Germain et Maurice comprennent qu’ils sont sûrement leurs sauveurs et s’approchent pour les remercier. Les Targuis bleus refusent poliment les pièces qu’ils leur proposent. Ils constatent au passage qu’ils sont en possession d’un fusil du même type qu’on leur a confié en partant de France.

À l’extérieur, deux chameaux patientent tranquillement. La pluie a cessé, mais l’eau dévale toujours des hauteurs. Les Targuis leur disent que pour l’instant c’est encore trop dangereux, mais qu’ils pourront repartir d’ici deux heures. Ils les informent qu’ils les ont récupérés dans la rivière, mais n’ont pas de nouvelle de leur voiture ni des autres.

Les investigateurs se regroupent près du feu. Ils ont toujours leur pistolet à leur ceinture, mais c’est tout ce qu’ils possèdent et se sentent complètement dépendants de la bonne volonté des Targuis. Ceux-ci acceptent de les mener à la sortie du Hoggar au prochain village.

Une découverte archéologique fortuite

En levant la tête, le professeur découvre une inscription singulière. Une phrase courte dont le capitaine dit qu’elle n’est pas écrite en berbère. D’après les targuis elle signifie « Antinéa, maitresse du Hoggar » et serait écrite dans un ancien langage. Pourtant l’inscription semble récemment peinte sur le mur. Le professeur intrigué décide de visiter le reste de la grotte. Proche du fond, il découvre ce qu’il prend d’abord pour une cible. Trois cercles ocre alternent avec deux cercles bleu foncé. Ces éléments ne lui évoquent pourtant rien, si ce n’est qu’ils sont très étranges et déplacés.

Le soleil brille de nouveau haut dans le ciel. Un Targui se propose de nourrir le feu avec des branches qu’il a trouvé pendant que les investigateurs ont le nez collé au mur de la grotte. Rapidement, une épaisse fumée se dégage des branchages.

Bonne nuit les petits

Le capitaine et le professeur exténués se rassoient et sombrent dans un profond sommeil. Berthe les suit peu de temps après. Maurice sent dans cette fumée une odeur âcre et suspecte. Il sort son pistolet et se dirige vers les targuis qui l’arrêtent et pointent leur fusil dans sa direction. Sa vue commence à se brouiller. Il tente de résister, mais vacille puis s’effondre au sol.

Flottement

Les investigateurs sont plongés dans un sommeil proche du coma. Ils ressentent une détente maximale de leurs corps et leurs cerveaux sont plongés dans du coton. Ils ont simplement conscience de flotter dans le vide, à l’horizontale, avec beaucoup de légèreté. Par intermittence leurs yeux s’entrouvrent et ils distinguent un défilé de roches ondulant au-dessus de leurs têtes. Parfois, le soleil aveuglant les réchauffe, parfois ils sont plongés dans une obscurité froide.

Cinq étoiles

Pour la deuxième fois de la journée, ils reprennent connaissance dans un endroit inconnu. Ils sont affalés sur des coussins épais et confortables aux couleurs criardes. Leurs vêtements sont secs, mais leurs poches sont vides. Autour d’eux, ils découvrent une très grande pièce aux murs marron et au plafond haut. La lumière entre par une ouverture menant sur un balcon. En face, une double porte de bois sculptée est fermée. Sur la gauche et sur la droite, une bibliothèque gigantesque pleine d’ouvrages remplit les murs. Un bureau richement ouvragé est encombré de feuilles de papier.

Le professeur se dirige immédiatement vers les rayonnages de livres. Ce qu’il découvre lui donne le vertige. Des livres dans différentes langues, anciennes et récentes. Certains sont censés avoir disparu et ne sont connus que par des citations d’auteurs grecs de l’antiquité. Le professeur est complètement subjugué par cette vision. Le détective se dirige vers le balcon et appelle ses compagnons d’une voix blanche. Rassemblés à l’extérieur, ils découvrent ni plus ni moins qu’un paradis. Un cirque formé par une arête montagneuse très haute entoure un cratère d’au moins cinq kilomètres de diamètre dans lequel sont cultivés des champs et des arbres fruitiers. Des animaux se déplacent librement dans des prés. Une cascade coule d’une source sur leur gauche. Des oiseaux multicolores les survolent.

Le professeur quitte la bibliothèque et se dirige vers le bureau où l’attend une surprise qui finit de le déstabiliser. Un très ancien livre en grec est accompagné de sa traduction en français. Le critias de Platon soi-disant inachevé est présent ici dans une version intégrale en version originale et traduite en français. Les explorateurs échangent quelques minutes sur leur désappointement quand le double porte s’ouvre.

M. Lemesge, professeur au collège de France

UN petit homme rondouillard la franchit. Il est vêtu d’un costume blanc impeccable orné d’une large cravate d’un rouge éclatant. Il salue les nouveaux venus qui l’assaillent de questions auxquelles il refuse de répondre, sauf celle du professeur qui montre un intérêt certain pour les ouvrages qui les entourent. Lui et Lemesge se félicitent d’être si bien entourés pendant que les autres s’impatientent et aimeraient savoir ce qu’ils font là. Lemesge promet des réponses quand la porte s’ouvre de nouveau. Un Targui blanc s’avance tête baissée pour annoncer l’heure du repas. Lemesge le renvoie sans ménagement et guide les invités jusqu’à une table pleine de mets différents. Viandes, fruits, légumes encombrent une grande table occupée par un homme en uniforme d’évêque qui dit son impatience en les voyant arriver. L’évêque peu loquace se nomme Mr Kardec. Lemesge et lui mangent sans retenue contrairement aux nouveaux venus. Lemesge leur fait gouter un Hoggar 1916 dont il est très fier.

À la fin du repas, pour répondre aux questions des investigateurs, Lemesge les guide dans une salle qui répondra à toutes leurs questions. Il les entraine dans un hall immense contenant de hautes alcôves sur toute la périphérie et sur deux niveaux. Certaines contiennent des statues en orichalque de militaires français disparus en Algérie. Le capitaine est consterné de voir la représentation de certains officiers avec lesquels il a servi ou disparus tragiquement dans le désert. Lemesge leur dit que le Hoggar est sous la domination de sa reine Antinéa et qu’ils sont ses invités.