

Le chef des services secrets israéliens raconte la traque et la capture d’Adolf Eichmann
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Récit historique et biographique sur la capture d’Adolf Eichmann en Argentine
Écrit par Isser Harel
Édité par Robert Lafont
Dépôt légal 4e trimestre 1976
Résumé de « la maison de la rue Garibaldi » résidence d’Eichmann
La rumeur qu’Adolf Eichmann (l’architecte de la solution finale au problème juif) vit à Buenos Aires sous un nom d’emprunt arrive aux oreilles du chef des services secrets israéliens. Il n’en faut pas plus qu’il envoie un groupe d’hommes s’assurer de la réelle identité du suspect. Une fois que les suspicions sont confirmées sans pour autant avoir de preuve formelle de l’identité de celui qu’il surveille. Le chef des services secrets sélectionne un véritable commando pour monter une surveillance autour de Richardo Klément et de sa famille.
Le but est de tout connaître de cet homme et de monter une action de kidnapping pour le ramener en Israël afin d’y être jugé pour ses crimes.
Aucun détail ne sera laissé au hasard pour cette opération hors du commun au retentissement mondial.
Mon analyse du récit de la traque d’Eichmann
Le début du livre est exactement le début d’un épisode de la série « mission impossible ». Le chef de l’opération fait état de ses besoins. Ensuite, il sélectionne méticuleusement les profils qu’il compte recruter pour l’opération.
C’est ainsi que le livre commence par un inventaire de six pages contenant les noms (ou noms d’emprunt) des différents protagonistes de cette mission secrète. Cette liste comprend de simples résidents argentins qui parlent couramment espagnol et se chargent de la location des véhicules, ou des résidences pour les différents groupes opérationnels ; un faussaire pour les faux papiers qui protègent l’identité des intervenants ; une fausse agence de voyages qui va leur délivrer des billets d’avion avec de nombreux itinéraires différents pour ne pas éveiller les soupçons ; le responsable de la compagnie aérienne israélienne qui doit tenir un avion à disposition des services secrets ; et bien sûr, les hommes d’action qui se chargeront de la capture proprement dite et de la séquestration de l’officier SS ; sans oublier un médecin qui s’assure de sa bonne santé et de la possibilité de le ramener en Israël.
L’histoire
On suit la préparation méticuleuse de toute l’opération. Les premiers éléments qui sont confirmés sur place par des témoins jusqu’à une véritable surveillance de toute la famille Eichmann dont les enfants sont connus sous leur véritable nom. Une enquête est effectuée en Allemagne pour retrouver la trace de sa femme qui était censée s’être remariée.
La tension est déjà présente quand le chef du service des renseignements recrute ses agents et leur parle d’Eichmann, un nom qu’ils connaissent tous. Elle grimpe d’un cran quand les premières confirmations de l’identité du nazi tombent. L’auteur du livre, qui est le chef de la mission, fait part de tous les détails de l’organisation. Les réservations des voitures qu’il change régulièrement pour s’assurer un maximum de discrétion, les filatures, les fausses identités, les stratagèmes inventés pour enquêter au plus près de leur suspect.
J’ai beaucoup aimé le partage de différentes anecdotes qui montrent qu’on a beau tout prévoir, quand la loi d’emmerdement maximum s’emmêle, il faut savoir improviser et s’adapter.
Par exemple, la fois où ils garent leur voiture pour approcher discrètement à pied pour prendre des photos. Quand ils reviennent à leur véhicule, il est dans le fossé et il lui manque une roue. Côté discrétion, on fait mieux.
Il y a également un des agents qui croit être découvert à peine descendu de l’avion qui l’amène en Argentine. Quand il sort de l’avion, il est pris en photo par un inconnu. Il se dirige vers le bus qui doit l’emmener à son hôtel, mais celui-ci ne part pas. Quand l’inconnu à l’appareil photo monte dans le bus, l’agent pense qu’il va finir en prison alors que l’homme n’est qu’un simple photographe qui a un arrangement avec le chauffeur de bus pour lui permettre de vendre ses photos de l’arrivée des touristes. Une sueur froide sans conséquence.
Les personnages et les lieux
Ils sont l’objet de descriptions précises comme des éléments essentiels d’un mécanisme qui ne souffrira aucun défaut. L’auteur explique l’état des véhicules qui circulent en Argentine et qui représentent un gros problème pour les filatures comme pour l’extraction finale. Chaque véhicule loué est entièrement révisé pour limiter les surprises. Les maisons louées sont sélectionnées avec soin en fonction de leur emplacement par rapport aux trajets des suspects espionnés et de leur capacité à recevoir tout un commando sans éveiller les soupçons des voisins. La maison qui doit servir à la détention d’Eichmann est modifiée. Une cachette est aménagée en cas de contrôle de police. Les déplacements des hommes sont définis avec soins et comme dans toute opération militaire, tout est codé pour ne pas utiliser les vrais noms de rue et autres en cas d’écoute.
Les agents sont répartis sur plusieurs sites et leur chef a organisé des permanences dans différents bars de la ville avec un roulement horaire pour ne pas paraître toujours au même endroit en compagnie des mêmes personnes. Tout est réfléchi dans les moindres détails jusqu’au sosie de l’officier SS qui arrive en Argentine sous une fausse identité pour permettre au vrai de ressortir avec les mêmes papiers.
L’Histoire du peuple juif face à Eichmann
Sans les passages de contexte historique, on aurait parfois tendance à prendre ce livre pour un polar d’espionnage. Chaque fois qu’un personnage entre en jeu, l’auteur nous fait part de son passé et des liens particuliers qui le lient à Eichmann. Tous ont eu une vie douloureuse. Échappé d’un village envahi par les nazis ou extrait d’un ghetto alors qu’il était enfant. Il y en a qui ont fui l’Allemagne et se sont réfugiés dans différents pays avant de fuir vers Israël au moment de sa création.
Tous se demandent quelle réaction ils pourront avoir face à celui qui a pensé la solution finale et l’extermination du peuple juif dont une bonne partie des familles de tous les agents présents. Après la capture, pendant la phase de séquestration, les sentiments sont très forts, mais tous restent dignes et professionnels. Il n’y a qu’une seule version de cette histoire, toute la partie qui décrit les juifs comme héroïques et pleins d’abnégation et de justice face à un homme soumis, terrifié et ridicule sans son uniforme est peut-être à tempérer légèrement. Même si les différentes sources montrent que c’est probablement très proche de la réalité.
Eichmann a été amené en Israël en bonne santé et apte à être jugé. D’après ce qui est rapporté dans le livre, il aurait apporté une coopération active depuis le moment de sa capture pour répondre aux questions qui lui étaient posées. C’est à dire à partir du moment où des questions très personnelles lui étaient posées pour confirmer, sans doute possible, son identité. Ce fait particulier contraste beaucoup avec les images du procès. On peut imaginer qu’au moment de sa capture il se demandait s’il n’allait pas être exécuté sur place.
Pour terminer sur la partie historique, cette vidéo sur les informations disponible en Israël juste après la capture est très intéressante.
La question du droit international
Dès que les services de renseignements reçoivent les premières informations de la présence d’Eichmann en Argentine, la question du droit d’intervenir se pose.
Tout d’abord, la décision est prise d’envoyer un groupe d’hommes sur place pour confirmer les premiers renseignements. Dès que les suspicions se transforment en certitude, les relations entre Israël et l’Argentine sont pesées. Sur le papier, les deux sont des pays amis. Seulement, en 1960, le premier est en quête de justice et le second est extrêmement permissif sur l’immigration allemande sur son sol.
Une fois ces positions mûrement observées, il est décidé d’intervenir. Le procès historique est jugé supérieur aux risques diplomatiques.
Est-ce que je vous conseille ce livre sur la capture d’Eichmann ?
Ho que oui. D’abord pour démystifier complètement le mythe du commando du renseignement du type baroudeur qui parle sept langues et connaît vingt manières de vous tuer en silence.
Ici, vous avez l’exemple d’une opération clandestine historique qui est menée avec la plus grande discrétion et dont tous les aspects ont été réfléchis. Aucun détail n’est laissé au hasard. Mais plus que tout : c’est une histoire vraie qui fait froid dans le dos.