Un cri dans la nuit - Mary Higgins Clark - 4e
5 étoiles

Un thriller de Mary Higgins Clark au suspense insoutenable

Informations commerciales

Un cri dans la nuit est le Quatrième roman de Mary Higgins Clark
édité par Albin Michel en 1983
339 pages en livre de poche

Résumé

Jenny, critique d’art new-yorkaise, est une jeune femme divorcée qui peine à élever ses deux petites filles. Lorsqu’elle rencontre Erich, peintre, c’est le coup de foudre. Il est prévenant, attentionné et riche. Comme une évidence, ils décident de se marier un mois après leur rencontre. Il l’emmène vivre dans l’immense demeure qu’il possède dans le Minnesota et décide même d’adopter les fillettes.
Jenny constate qu’elle est le portrait de la mère d’Erich, morte quand il avait dix ans et pour laquelle il vouait un véritable culte.
Peu à peu, leur relation se dégrade.

Mon analyse d’« un cri dans la nuit »

Le suspense de ce roman est tout simplement insoutenable. Il faudra vous faire violence pour lâcher le livre. C’est le quatrième roman de Mary Higgins Clark et sa plume est déjà infaillible. La maitrise de la narration est magnifique. Un véritable page turner.

Le scénario

L’histoire d’« un cri dans la nuit » est relativement simple. Une femme tombe sur un homme qui cache son jeu. Elle va vivre un enfer.
Petit à petit, Jenny passe sous l’emprise de son mari. Cela commence par une remarque ou deux, sous prétexte de ne pas ternir sa respectabilité dans le pays où sa faille est très connue. Tout comme le fait qu’il insiste pour qu’elle se fasse appeler « madame » par les employés. Puis, Erich pousse le curseur un peu plus loin lorsqu’elle déplace des meubles et enlève des rideaux pour se sentir enfin chez elle dans la grande maison sans âme. Il remet tout exactement à sa place. Cette fois, il prétexte une rigidité maladive et une aversion pour le changement.

Quand il abat froidement, devant sa femme, le chien des voisins qui rôde sur ses terres, il prétend que c’est comme cela que ça se passe à la campagne.

Le point critique est atteint lorsque l’ex-mari de Jenny décide de venir la voir, parce qu’il s’inquiète pour elle. Il est retrouvé noyé dans sa voiture après avoir raté un virage au bord d’une rivière.

Tout le sel de ce roman tient dans la narration et la maitrise de l’art de l’écriture de Mary Higgins Clark.

Le narrateur non fiable

Mary Higgins Clark use et abuse avec talent de ce processus qui consiste à raconter une histoire en se focalisant sur un point de vue dont tout nous fait douter de la neutralité.

Chaque parole aimable qu’Erich a pour sa femme est systématiquement suivie de reproches désobligeants qui l’infantilisent ou discrédite son autorité parentale. La nuit, elle commence à avoir des hallucinations et au fil du temps, tout le monde la croit plus ou moins folle. Quand le drame survient, personne n’a de doute sur le coupable. C’est la pauvre Jenny qui a perdu la tête. Le pire est qu’elle commence à le croire puisque tout le monde lui conseille de consulter un médecin.

À l’opposé, l’auteure nous accorde les paroles du narrateur très fiable personnifié par les petites filles qui rapportent certaines fois des propos surprenant de leur père et qu’on ne peut pas remettre en doute, car elles sont trop jeunes pour rentrer dans le jeu de manipulation des grandes personnes et qu’elles n’ont aucun intérêt ni aucune volonté de critiquer leur mère.

Les personnages d’« un cri dans la nuit »

Ils ne sont pas très nombreux. Trois couples, plus les deux petites filles de l’héroïne et la femme de ménage. Tout tourne donc autour de ces neuf personnages.

Les personnages principaux sont Jenny qui est transplantée de New York au Minnesota et Erich, son nouveau richissime mari.
L’homme qui gère la ferme et sa femme qui perd la tête depuis la disparition mystérieuse de leur fille.
Le responsable de l’écurie dont l’oncle est alcoolique depuis l’accident de la mère d’Erich.
La femme de ménage qui n’a pas voix au chapitre.
Tous les personnages sont complètement dominés d’une manière ou d’une autre par le maitre des lieux. Que ce soit professionnellement, financièrement ou même psychologiquement. L’autorité naturelle que son nom représente suffit à lui donner le dernier mot sur tout.

Les lieux

Ils sont peu nombreux. Il y a la grande maison, le chalet qu’on ne découvre qu’à la fin, le cimetière familial et l’étendue des terres autour qui forme l’immense propriété.
Chaque endroit est décrit comme un piège qui se referme sur la raison de Jenny et absorbe sa santé mentale jour après jour. Ils sont froids et durs, comme le climat du Minnesota.
L’immensité des lieux paraît plus exigüe et plus oppressante que son petit appartement citadin.

La construction du roman

Étonnamment, le prologue est à peu de chose près la copie du chapitre 36 (page 302). Le livre commence par Jenny en panique qui cherche un chalet. On commence donc in media res pour revenir un an dans le passé au chapitre deux. Avant la rencontre entre Jenny et Erich.
Bien sûr, cela fonctionne. On est plongé dans l’action directement et tout le long du livre, on se demande quand va intervenir cette scène. On découvre entre temps que ce chalet est l’atelier dans lequel son mari s’enferme pour peindre pendant des jours entiers.
Est-ce nécessaire d’utiliser cette méthode ici ? Clairement, non. Ce roman n’en a pas besoin.

Ce procédé est surtout utilisé en guise d’incipit lorsqu’on n’est pas sûr de l’effet du roman ou lorsqu’il contient peut-être des longueurs qui pourraient faire lâcher le lecteur. C’est le moyen de lui dire « ne t’en va pas, tu te rappelles ce que je t’ai promis ». Or ici, nul besoin de retenir le lecteur puisqu’il sera complètement conquis très tôt dans le roman.
À mon avis, l’histoire aurait même gagné à se dispenser de ce subterfuge. D’autant que ce n’est pas une scène supplémentaire, mais bien un passage du livre qu’on retrouve plus loin.

Une seule chose cloche avec ce cri dans la nuit

Et oui, il en fallait bien une. Nul n’est parfait. C’est pourtant un détail, mais il m’a tourné dans la tête tout le long de ma lecture.

Quand Erich rencontre Jenny à New York, c’est une femme pressée qui arrive en retard chez la nounou pour récupérer ses filles. Une fois arrivées dans le Minnesota, Erich leur offre tout ce dont elles ont besoin… sauf une place à l’école.
L’histoire se déroule sur un peu plus d’une année et elles déménagent au début de l’hiver. Admettons que les enfants soient déscolarisés la fin de l’année, car elles ne peuvent pour une raison quelconque être inscrites dans la nouvelle école en cours d’année, elles auraient dû faire au moins une rentrée scolaire.
D’autre part, la ferme Kruger est décrite comme très isolée et il y a, à priori, peu de chance pour le ramassage scolaire passe devant chez eux. Ce qui implique que Jenny (ou un employé) aurait dû les emmener tous les jours à l’école.

J’ai trouvé ce point peu important au départ. Pourtant, toute l’intrigue du roman tient sur l’isolement de Jenny. Erich la coupe de toutes ses anciennes relations et quand elle a besoin de faire des courses, il a du personnel pour ça. Si elle avait dû emmener ses enfants à l’école tous les jours, la tension s’effondrait. Elle n’était plus ni isolée ni dépendante et aurait pu quitter son mari à n’importe quel moment.

Est-ce que je vous conseille

Sans aucun doute. La lecture d’« un cri dans la nuit » est un moment délicieux. Il a ce petit côté sadique avec le lecteur qui vous pliera à sa volonté. Vous serez manipulés. Votre cerveau sera en ébullition quand il essaiera de dénouer le vrai du faux de cette histoire haletante. N’oubliez pas de respirer entre les chapitres.
Pour les auteurs, c’est un livre très éducatif dans le style de narration et les procédés de gestion du suspense.